Paradis aussi devrait s’excuser !
Pierre Paradis ne trouve pas suffisant d’avoir échappé à la sanction recommandée par la commissaire à l’éthique, soit rembourser 25 000 $ d’allocation de frais de logement.
Le ministre déchu demande en plus que celle-ci s’excuse publiquement et cesse de répéter qu’il a eu quoi que ce soit à se reprocher.
Hier, Paradis a même mis en demeure la commissaire Ariane Mignolet : « À défaut de ce [sic] faire, j’entends porter [sic] plainte à l’Assemblée nationale pour atteinte à mes droits et privilèges de parlementaire », tonne-t-il au bas de sa lettre.
Sur le fond, je comprends la position du ministre de l’Agriculture déchu, un des doyens de l’Assemblée nationale.
Le code d’éthique a été conçu par les parlementaires pour que ces derniers soient les derniers juges de l’application de ces règles. Ils constituent une sorte de tribunal d’appel.
Pour qu’une sanction s’applique, elle doit être entérinée par les deux tiers du parlement.
COMMISSAIRE EN COLÈRE
Or, la commissaire a enquêté, s’est penchée sur le cas Paradis, a jugé, dans un rapport étoffé, voire tatillon, que — malgré le flou des règles — il avait agi contre les valeurs de l’Assemblée nationale, contre les principes éthiques du code, et que l’élu méritait une sanction.
Cette position ne fut pas appuyée par les deux tiers des élus (45 ont voté pour, mais 61 libéraux ont voté contre, et deux indépendants, Martine Ouellet et Gaétan Lelièvre ont préféré s’abstenir). Le rapport n’étant pas « exécutoire », il ne s’applique donc pas.
Pour étayer leur position défavorable au rapport, les libéraux ont sollicité un avis juridique, ce qui a heurté la commissaire, comme elle l’a expliqué dans un étonnant communiqué (compte tenu du devoir de réserve que ce type de personnage s’impose habituellement). Je suis la seule interprète du code, a-t-elle dit en substance.
La loi semble dire autre chose : les parlementaires sont ceux qui, en bout de course, décident d’imposer ou non des sanctions. Bref, une autre interprétation du code est possible.
MICHAUD ET PRATTE
Cela est tout à fait sain et normal. Être blâmé par l’Assemblée nationale n’est pas anodin. « Chacun a le droit d’être traité selon les principes élémentaires de la justice », a rappelé Philippe Couillard pour justifier son vote contre les conclusions de Mignolet.
Et cela me rappelle l’affaire Michaud. Le 14 décembre 2000, une motion est adoptée unanimement par les 109 députés présents au salon bleu pour « dénonce[r] […] les propos inacceptables [d’Yves Michaud] à l’égard des communautés ethniques et, en particulier, à l’égard de la communauté juive ».
Or, à l’examen, il a été démontré que l’ancien élu et ancien diplomate n’avait aucunement tenu des propos de cette nature.
Depuis, il n’a eu de cesse de dénoncer cette « motion scélérate », cette « exécution parlementaire ». Il a réclamé réparation devant les tribunaux, qui se sont tous déclarés impuissants en raison de la séparation des pouvoirs.
Certes, quelque 50 anciens élus péquistes ayant voté en faveur de la motion ont ces dernières années tenu à s’excuser d’avoir ainsi blâmé injustement M. Michaud. Aucun libéral n’a jusqu’à ce jour fait amende honorable.
DES EXCUSES !
Qui était leader de l’opposition officielle le 14 décembre 2000 ? Pierre Paradis, qui avait recommandé que la motion soit adoptée « sans débat […] étant donné que le texte parle par lui-même ». Cela semble peu conforme aux « principes élémentaires de la justice » invoqués par le premier ministre Couillard. Du reste, qui était leader de l’opposition officielle le 19 mars 1997 lorsque l’Assemblée nationale, d’un bloc, blâma l’éditorialiste André Pratte qui avait présenté à la télé la thèse de son essai Le syndrome de Pinocchio, soit que le mensonge fait pratiquement partie de l’ADN des élus ? Pierre Paradis. Le débat actuel serait selon moi une belle occasion pour le député de Brôme-Missisquoi de s’excuser d’avoir participé à deux atteintes sérieuses aux « principes élémentaires de la justice », qu’il invoque dans son cas. Après tout, il a promis, dans sa réplique à la commissaire, qu’il comptait exercer son « devoir de mémoire ». Qu’il s’exécute.