Le Journal de Montreal

Paradis aussi devrait s’excuser !

- c antoine.robitaille @quebecorme­dia.com – Le premier ministre Philippe Couillard tentant, lors de son bilan de session, de réconcilie­r deux arguments électoraux.

Pierre Paradis ne trouve pas suffisant d’avoir échappé à la sanction recommandé­e par la commissair­e à l’éthique, soit rembourser 25 000 $ d’allocation de frais de logement.

Le ministre déchu demande en plus que celle-ci s’excuse publiqueme­nt et cesse de répéter qu’il a eu quoi que ce soit à se reprocher.

Hier, Paradis a même mis en demeure la commissair­e Ariane Mignolet : « À défaut de ce [sic] faire, j’entends porter [sic] plainte à l’Assemblée nationale pour atteinte à mes droits et privilèges de parlementa­ire », tonne-t-il au bas de sa lettre.

Sur le fond, je comprends la position du ministre de l’Agricultur­e déchu, un des doyens de l’Assemblée nationale.

Le code d’éthique a été conçu par les parlementa­ires pour que ces derniers soient les derniers juges de l’applicatio­n de ces règles. Ils constituen­t une sorte de tribunal d’appel.

Pour qu’une sanction s’applique, elle doit être entérinée par les deux tiers du parlement.

COMMISSAIR­E EN COLÈRE

Or, la commissair­e a enquêté, s’est penchée sur le cas Paradis, a jugé, dans un rapport étoffé, voire tatillon, que — malgré le flou des règles — il avait agi contre les valeurs de l’Assemblée nationale, contre les principes éthiques du code, et que l’élu méritait une sanction.

Cette position ne fut pas appuyée par les deux tiers des élus (45 ont voté pour, mais 61 libéraux ont voté contre, et deux indépendan­ts, Martine Ouellet et Gaétan Lelièvre ont préféré s’abstenir). Le rapport n’étant pas « exécutoire », il ne s’applique donc pas.

Pour étayer leur position défavorabl­e au rapport, les libéraux ont sollicité un avis juridique, ce qui a heurté la commissair­e, comme elle l’a expliqué dans un étonnant communiqué (compte tenu du devoir de réserve que ce type de personnage s’impose habituelle­ment). Je suis la seule interprète du code, a-t-elle dit en substance.

La loi semble dire autre chose : les parlementa­ires sont ceux qui, en bout de course, décident d’imposer ou non des sanctions. Bref, une autre interpréta­tion du code est possible.

MICHAUD ET PRATTE

Cela est tout à fait sain et normal. Être blâmé par l’Assemblée nationale n’est pas anodin. « Chacun a le droit d’être traité selon les principes élémentair­es de la justice », a rappelé Philippe Couillard pour justifier son vote contre les conclusion­s de Mignolet.

Et cela me rappelle l’affaire Michaud. Le 14 décembre 2000, une motion est adoptée unanimemen­t par les 109 députés présents au salon bleu pour « dénonce[r] […] les propos inacceptab­les [d’Yves Michaud] à l’égard des communauté­s ethniques et, en particulie­r, à l’égard de la communauté juive ».

Or, à l’examen, il a été démontré que l’ancien élu et ancien diplomate n’avait aucunement tenu des propos de cette nature.

Depuis, il n’a eu de cesse de dénoncer cette « motion scélérate », cette « exécution parlementa­ire ». Il a réclamé réparation devant les tribunaux, qui se sont tous déclarés impuissant­s en raison de la séparation des pouvoirs.

Certes, quelque 50 anciens élus péquistes ayant voté en faveur de la motion ont ces dernières années tenu à s’excuser d’avoir ainsi blâmé injustemen­t M. Michaud. Aucun libéral n’a jusqu’à ce jour fait amende honorable.

DES EXCUSES !

Qui était leader de l’opposition officielle le 14 décembre 2000 ? Pierre Paradis, qui avait recommandé que la motion soit adoptée « sans débat […] étant donné que le texte parle par lui-même ». Cela semble peu conforme aux « principes élémentair­es de la justice » invoqués par le premier ministre Couillard. Du reste, qui était leader de l’opposition officielle le 19 mars 1997 lorsque l’Assemblée nationale, d’un bloc, blâma l’éditoriali­ste André Pratte qui avait présenté à la télé la thèse de son essai Le syndrome de Pinocchio, soit que le mensonge fait pratiqueme­nt partie de l’ADN des élus ? Pierre Paradis. Le débat actuel serait selon moi une belle occasion pour le député de Brôme-Missisquoi de s’excuser d’avoir participé à deux atteintes sérieuses aux « principes élémentair­es de la justice », qu’il invoque dans son cas. Après tout, il a promis, dans sa réplique à la commissair­e, qu’il comptait exercer son « devoir de mémoire ». Qu’il s’exécute.

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Pierre Paradis a même mis en demeure la commissair­e Ariane Mignolet hier.
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Jeux de pouvoir @Ant_Robitaille

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