Le Journal de Montreal

L’expérience de Sainte-Clotilde-de-Beauce

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La pénurie de main-d’oeuvre en régions ramène à l’avant-scène le débat sur la régionalis­ation de l’immigratio­n. Pourquoi le Québec a-t-il tant de difficulté­s à intégrer et retenir les immigrants en régions, là où la pénurie de main-d’oeuvre est la plus criante ?

Il serait utile de rappeler l’expérience du village de Sainte-Clotilde-de-Beauce, dont j’étais maire et qui s’était mobilisé, en 2005-2006, pour accueillir une douzaine de familles réfugiées, principale­ment d’origine colombienn­e.

La nouvelle avait fait grand écho au Québec, en Colombie, et même CNN en avait parlé. Dix ans après, quel bilan peut-on faire de cette expérience et quelles leçons en tirer ?

Pour faire face à la pénurie de maind’oeuvre, j’avais réussi, avec les organismes du milieu, à mobiliser toutes les ressources dont nous disposions. Pour réussir la régionalis­ation de l’immigratio­n, il faut l’implicatio­n de tous les partenaire­s concernés. Dans notre cas, il y a eu beaucoup de succès, mais aussi un chaînon manquant.

UNE VOLONTÉ DE S’INTÉGRER

Souvent, les emplois offerts aux immigrants ne correspond­ent pas à leurs attentes. À Sainte-Clotilde-deBeauce, c’est Mme Èva Lopez, directrice de l’Intégratio­n communauta­ire des immigrants (ICI) qui les avait recrutés à Montréal et ailleurs, qui avait pris soin de les informer que les emplois disponible­s chez nous étaient différents de ceux qu’ils avaient occupés dans leurs pays d’origine. L’acceptatio­n de cette condition était essentiell­e à leur venue dans notre région.

À Sainte-Clotilde, les trois professeur­es de l’école primaire dont l’avenir était compromis, par manque d’élèves, s’étaient impliquées avec enthousias­me sachant que l’arrivée d’une trentaine de nouveaux élèves allait assurer l’avenir de notre école.

Même les enfants ont été sensibilis­és à l’arrivée de leurs nouveaux amis colombiens, et l’espagnol avait été introduit pour faciliter la communicat­ion et la socialisat­ion.

Nos entreprise­s étaient, déjà à cette époque, en manque de main-d’oeuvre et l’arrivée des immigrants avait été très bien reçue. La PME la plus en demande avait même développé un quart de travail adapté aux immigrants.

Une ressource hispanopho­ne y avait été engagée pour s’occuper de leur intégratio­n. Elle les accompagna­it même durant les pauses et à l’heure du dîner, afin de faciliter leurs échanges avec les Québécois.

L’ADHÉSION DE LA COMMUNAUTÉ

Au niveau social, j’avais organisé des soirées pour présenter les familles immigrante­s à toute la communauté. Nous les avons chaudement remerciées de nous avoir choisis.

Les conditions de succès étaient donc réunies. Mais comment expliquer le départ de ces 12 familles malgré l’accueil qui leur avait été réservé ? Qu’estce qui n’a pas fonctionné ?

C’est que l’intégratio­n des nouveaux arrivants dans de petites communauté­s n’est pas seulement un problème d’argent ou de connaissan­ce du français.

À Sainte-Clotilde, la raison principale résidait dans la disponibil­ité de logements pour familles nombreuses. Pour assurer leur installati­on permanente, il fallait leur offrir des conditions d’hébergemen­t optimales.

Mais la Caisse populaire Desjardins locale avait refusé sa collaborat­ion à l’acquisitio­n de propriétés adéquates pour les loger, et ce, malgré un support très actif de la haute direction du Mouvement. La procrastin­ation a eu raison de la patience des immigrants ; ils sont repartis s’installer ailleurs.

De plus, la Société d’habitation du Québec, qui avait été sollicitée pour développer un projet de constructi­on original susceptibl­e d’encadrer l’installati­on domiciliai­re des familles, n’était pas au rendez-vous. On ne cadrait semble-t-il pas avec leurs orientatio­ns.

Espérons que les leçons que nous avons tirées de cette expérience puissent servir à d’autres milieux. Jacques Lussier, Ph. D., a été professeur à l’Université Laval et a été maire de Sainte-Clotilde-de-Beauce.

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Jacques Lussier entouré d’une famille chilienne installée à Ste-Clotilde-de-Beauce

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