Méfiez-vous des angles morts à l’avant
Vous souvenez-vous des panneaux qui portaient la mise en garde suivante dans les films français : « Un train peut en cacher un autre » ? Je pense faire imprimer un autocollant qu’on mettrait sur les glaces latérales des autos et qui dirait : « Le rétroviseur de votre auto peut en cacher une autre ».
Vous croyez que c’est impossible ? Pas du tout. Ça m’est arrivé tout récemment. Après m’être arrêté à une intersection classique « à quatre coins », j’ai jeté les coups d’oeil rapides habituels, à gauche et à droite, et je suis reparti.
C’est là seulement que j’ai aperçu, à ma gauche, une berline allemande qui était encore stoppée au coin, sur la rue transversale. Une seconde plus tôt, elle était cachée complètement par le rétroviseur. Par chance, je venais de profiter de ma priorité pour redémarrer sans encombre et sans risque. Cette fois-là, du moins.
HORIZONS BOUCHÉS
C’est la goutte qui a fait déborder un vase qui se remplissait depuis longtemps, pour moi. Au lancement de la Jaguar S-Type, en 2000, j’ai remarqué que son rétroviseur gauche était monté assez haut et loin vers l’avant, sur la portière, pour bloquer carrément la vue sur une bonne partie de ce qui se trouvait de ce côté-là.
Je venais de découvrir qu’un véhicule peut avoir des angles morts vers l’avant aussi. Assez embêtant, en effet, de ne pas voir où on va parfaitement, quand on veut tourner à gauche. Vraiment pas commode, non plus, de pencher la tête à gauche et à droite pour voir où on s’apprête à rouler. En espérant éviter de frapper quoi que ce soit. Ou qui que ce soit, à plus forte raison.
Le problème tient également au fait que les montants des pare-brise sont souvent plus larges et massifs qu’avant. Question d’améliorer la solidité de la structure et d’augmenter la résistance du toit en cas de capotage, pour respecter des normes de sécurité de plus en plus sévères. Résultat, entre autres, de l’épidémie de tonneaux qui a frappé les utilitaires sport, surtout chez nos voisins américains, au milieu des années 90.
Je ne compte plus les véhicules d’essai dans lesquels j’ai déploré la piètre visibilité de trois quarts avant depuis. Le plus ironique, c’est qu’on installe des rétroviseurs plus grands pour mieux couvrir les angles morts arrière. On les monte, en plus, dans des coques plus grosses, pour mieux loger les moteurs de réglage et le dégivrage. On les allonge souvent, aussi, pour qu’elles soient plus aérodynamiques et moins bruyantes. Ce qui a pour effet d’élargir le pied. L’ennui, c’est que certains constructeurs les montent un peu n’importe où et n’importe comment, avec les conséquences mentionnées plus haut.
LA MEILLEURE MANIÈRE
Il y en a pourtant qui ont compris et qui installent des rétroviseurs juste assez grands, aussi bas et aussi loin que possible des montants du pare-brise. Ils ajoutent ensuite de petites glaces latérales en forme de triangle ou de rectangle qui améliorent immensément la vue sur le point de corde et tout ce qui se trouve à gauche, en virage.
Les Porsche Cayenne et Macan font partie de ceux qui profitent de ces petites glaces additionnelles géniales. On en trouve aussi dans toutes les Subaru et aussi la Honda Clarity, les Volkswagen Golf et le grand multisegment Buick Enclave, pour ne nommer que ceux-là. Parce qu’il y en a d’autres, heureusement.
À l’inverse, j’accorde une mauvaise note à Volvo pour la taille, la position et l’encombrement des rétros de ses V90 et XC90, pourtant fort impressionnants, autrement. La chose a de quoi étonner, connaissant le souci exemplaire du constructeur suédois pour la sécurité et toutes les avancées qu’on lui doit, y compris la plus importante : la ceinture de sécurité à trois points d’ancrage, inventée et brevetée par son ingénieur Nils Bohlin, en 1959.
Mieux encore, Volvo dévoilait en 2001 son prototype Safety Concept Car (SCC) qui proposait plusieurs éléments de sécurité qui se sont retrouvés sur des modèles de série. J’ai surtout remarqué, à l’époque, ses montants de pare-brise fortement ajourés qui ne bloquaient aucunement la vue, pour la simple raison qu’on voyait à travers. Je ne les ai jamais oubliés (la preuve) et attends cette innovation sur des Volvo de série, ou toute autre voiture, depuis ce jour-là.
Par ailleurs, il y a fort longtemps que les stylistes et designers remplacent les rétroviseurs classiques par de minuscules caméras sur leurs prototypes et concepts, trop heureux de les débarrasser de ces protubérances inélégantes et archaïques, à leurs yeux. Avouez qu’ils n’ont pas tort.
Entre-temps, donnez-moi des rétros de taille raisonnable, montés plus bas vers l’arrière, avec de petites glaces à l’avant pour voir autour et des montants de pare-brise aussi étroits que possible. Je me charge du reste.