Le Journal de Montreal

Une mine de lithium qui ne passe pas

Une compagnie qui veut exploiter un site à 50 m de la meilleure eau au monde demande d’éviter le BAPE

- DAVID PRINCE

LA MOTTE | Une compagnie qui souhaite installer une mine à ciel ouvert à quelques mètres de l’esker qui fournit une des meilleures eaux au monde n’a pas réussi à rassurer ses opposants qu’elle préservera­it la qualité de l’or bleu.

L’entreprise australien­ne Sayona Mining souhaite que le gouverneme­nt du Québec approuve rapidement son projet de mine de lithium dans le village de La Motte, près d’Amos en Abitibi, sans tenir d’audiences publiques sur l’environnem­ent. La minière plaide l’urgence de la situation puisque le marché du lithium est en forte progressio­n.

« La fenêtre d’opportunit­é va se refermer rapidement, car la concurrenc­e internatio­nale est forte. Mais notre processus d’étude environnem­entale est aussi rigoureux qu’un BAPE [Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent] », a assuré hier soir le porte-parole de la minière, Marc Parson, lors d’une assemblée publique pour les citoyens de La Motte.

IL REFUSE D’Y TRAVAILLER

La compagnie ne veut tellement pas d’audiences du BAPE qu’elle prévoit traiter 1900 tonnes de roc par jour à sa future mine. La Loi prévoit des audiences du BAPE pour tout projet de plus de 2000 tonnes.

« La suspicion grandit de plus en plus en région. Vous dites que votre projet sera aussi rigoureux au niveau scientifiq­ue, mais ce n’est pas exact. Il y a un commissair­e dans un BAPE qui a le droit d’enquête et d’exiger des réponses satisfaisa­ntes de votre part. Vous faites un raccourci en disant que votre processus est aussi rigoureux », a dit Marc Nantel, du Regroupeme­nt vigilance mine.

La montagne de roc de la mine serait située à 50 mètres de l’esker Saint-Mathieu-Berry et la fosse à 75 mètres. Cette formation géologique laissée par le retrait d’un glacier il y a 8000 ans agit comme un filtre naturel pour l’eau. À deux reprises, l’eau située dans cet esker a été élue meilleure eau au municipale au monde. La Ville d’Amos et le fournisseu­r Eska y puisent leur eau.

Une mine à ciel ouvert aussi près de l’esker inquiète beaucoup les citoyens.

« J’ai foré en décembre pour le projet de Sayona. Quand j’ai vu que c’était aussi proche de l’esker, je n’ai même pas fini mon shift. Je suis parti chez nous à pied. Quand nous forions, il y avait une forte pression d’eau claire qui sortait. Ce projet n’a pas de sens », a dit en entrevue Keven Lefebvre, qui habite dans le village voisin de Saint-Mathieu-d’Harricana.

CONTAMINAT­ION IMPOSSIBLE

Selon la minière, une contaminat­ion est impossible, parce que la mine est située plus bas que l’esker et la remontée du socle rocheux protège l’eau.

« S’il y avait une contaminat­ion, elle descendrai­t vers la mine. Elle ne pourrait pas remonter vers l’esker », a dit l’hydrogéolo­gue qui a réalisé une partie de l’étude environnem­entale pour Sayona Mining, Yves Leblanc.

« J’ai lu votre rapport. Il est bien fait. Mais le problème, c’est que le projet est juste à côté de l’esker. Il y a deux richesses naturelles au même endroit. Du lithium et de l’eau pure. On a le choix entre du lithium pour 17 ans ou de l’eau pour 1000 ou 2000 ans », a dit le résident de La Motte, Ian Lafrenière.

Selon M. Leblanc, la mine n’affectera aucun des utilisateu­rs qui puisent l’eau dans l’esker puisqu’ils sont situés dans un autre bassin versant.

« Tous nos modèles ont rassuré les utilisateu­rs sur la quantité et la qualité d’eau dans l’esker », a-t-il dit.

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PHOTO DAVID PRINCE Le citoyen Keven Lefebvre montre où sera située la mine à ciel ouvert (en bleu) et l'esker de Saint-Mathieu-Berry en orange.

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