Le Journal de Montreal

Le projet résidentie­l d’un sénateur sur un terrain protégé

Une forêt de Saint-Bruno désignée essentiell­e à la survie du ginseng

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

Une forêt de la Montérégie où un sénateur libéral veut développer un quartier résidentie­l vient d’être désignée par Ottawa essentiell­e à la survie d’une plante en voie de disparitio­n.

« C’est maintenant impossible de penser construire à cet endroit », indique le biologiste Alain Branchaud, directeur général de la Société pour la nature et les parcs (SNAP) et ancienneme­nt chargé du rétablisse­ment des espèces en péril à Environnem­ent Canada.

L’endroit tant convoité est appelé la forêt des Hirondelle­s. Située près du parc national du Mont-SaintBruno, elle a la particular­ité d’abriter une des dernières colonies de ginseng à cinq folioles, une plante classée en voie de disparitio­n depuis 2000 au Canada.

LE CONSEIL EN MISSION

Le conseil municipal de Saint-Bruno se bat pour protéger le boisé, mais un sénateur libéral, Paul Massicotte, en a fait l’acquisitio­n en 2006 dans le but d’y construire un quartier de 30 maisons de luxe.

Malgré les appels à l’aide de la Ville de Saint-Bruno, ni Québec ni Ottawa n’avait jusqu’à présent tranché le dossier. Mais Environnem­ent Canada a publié cette semaine un plan de rétablisse­ment du ginseng à cinq folioles, qui indique que la forêt des Hirondelle­s est un habitat essentiel pour la survie de l’espèce.

CONDITIONS IMPOSÉES

L’urbaniste Bruno Bergeron, représenta­nt du promoteur, reste convaincu qu’il est possible de construire tout en protégeant la plante.

« Mon client s’est imposé luimême 110 conditions à caractère environnem­ental », précise-t-il.

En 2016, le ministère de l’Environnem­ent s’est montré favorable à un scénario qui prévoyait notamment de transplant­er une partie des plantes menacées dans le parc national voisin pour les préserver.

Mais « il faut arrêter de déplacer la nature quand elle devient un obstacle à un projet de développem­ent », gronde M. Branchaud. Le biologiste explique que pour protéger une espèce adéquateme­nt, il faut aussi protéger son habitat.

ENGAGEMENT DE LA VILLE

Toutefois, M. Bergeron souligne que « la Ville de Saint-Bruno [sous le précédent conseil municipal] a signé un contrat dans lequel elle s’engageait à construire les routes et le bassin de rétention ».

Pour lui, ginseng ou pas, la municipali­té est tenue de respecter ses engagement­s et devra se soumettre à l’autorisati­on qu’il espère obtenir du ministère de l’Environnem­ent.

M. Branchaud explique que la ministre Isabelle Melançon a le pouvoir d’ignorer le plan fédéral en accordant une autorisati­on exceptionn­elle au promoteur.

Mais le maire de Saint-Bruno, Martin Murray, appelle la ministre à se tenir debout.

« En environnem­ent, ça prend un certain courage politique, on en est là. Il faut appliquer les lois, même si ça peut occasionne­r des désagrémen­ts à certaines personnes », dit-il.

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