Devoir de protection
La vie des jeunes parents est de plus en plus exigeante. Leur charge mentale et physique est constante.
Lundi, en fin de journée, je revenais des Cantons de l’Est. En passant devant une garderie, je l’ai tout de suite reconnue. Nichée au coin de la rue William à Montréal, elle était là. Le lieu même où la semaine dernière, un poupon de 6 mois est décédé après avoir été oublié dans la voiture par son père.
Inutile d’épiloguer trop longuement sur une telle tragédie. Des parents anéantis. Deux familles élargies dévastées. Des premiers répondants traumatisés. N’en jetez plus. Avec raison, la fontaine de larmes déborde déjà.
En passant devant la garderie, la colère m’est remontée dans la gorge comme elle l’avait fait en 2003 et en 2016. La même horreur, dans les mêmes circonstances, s’était produite à Verdun puis à Saint-Jérôme. Trois vies fauchées par un oubli que nous pourrions tous faire.
La vie des jeunes parents, on le sait, est de plus en plus exigeante. Leur charge mentale et physique est constante. Avec l’incessant tourbillon du boulot, de la garderie, des courses, des repas, des bobos — sans compter la pression sans précédent d’être toujours disponibles au bout d’un téléphone dit intelligent —, il y a de quoi en perdre des bouts. Même les plus précieux.
ALÉATOIRES
On cherche des moyens de prévention. On parle d’applications spéciales pour les parents sur leurs téléphones. Comme rappel, on parle de les encourager à laisser leur sac à main ou leur porte-document sur le siège arrière avec leur enfant. Etc.
De bonnes idées, c’est sûr. Leur faiblesse, par contre, est justement d’ignorer le train de vie souvent frénétique des jeunes parents qui, malgré les meilleures suggestions du monde, peut tout de même mener à l’oubli de l’essentiel. Leur autre faille est d’être aléatoires et purement individuelles.
Ce sont pourtant des vies d’enfants dont il est question. Des vies confiées à des garderies. Lesquelles, de toute évidence, sont encore trop rares à prendre elles-mêmes l’initiative de communiquer avec les parents dès qu’un enfant manque à l’appel. Ce qui, très franchement, échappe à l’entendement.
OBLIGATOIRE
Dans une telle situation, c’est aux pouvoirs publics d’agir. Plus précisément, au ministre de la Famille, Luc Fortin. Il en va de la sécurité des enfants. C’est pourquoi le ministre doit imposer à toutes les garderies, publiques ou privées, l’obligation de communiquer avec les parents dès que l’absence non prévue d’un enfant est constatée.
Or, selon La Presse, le cabinet du ministre s’y refuserait. La raison ? On ne pourrait pas « faire de parallèle » entre les présences prises dans les écoles et celles en garderies « puisque l’instruction est obligatoire alors que ce n’est pas le cas pour l’utilisation des services de garde ».
Comme réponse, c’est pitoyable. Depuis quand est-ce que des mécanismes publics de protection visant à assurer la sécurité des citoyens reposent sur le prérequis absurde d’une activité « obligatoire » ? Dans ce cas-là, annulons le Code de la route puisque conduire une voiture n’est pas une activité « obligatoire ».
Qu’attend le gouvernement pour exercer son devoir de protection ?