Le Journal de Montreal

Attention aux recettes sur le BBQ

Un des grands plaisirs de l’été est de pouvoir enfin cuisiner à l’extérieur sur le BBQ. Il faut néanmoins se rappeler que la cuisson des viandes à haute températur­e provoque la formation de substances cancérigèn­es et que certaines précaution­s très simples

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La cuisson de la viande provoque une chaîne de réactions chimiques qui génèrent des milliers de molécules remarquabl­ement odorantes, en plus de centaines de substances volatiles produites par la réaction des sucres avec les protéines de la viande. Certaines de ces molécules possèdent une odeur qui rappelle celle de fruits, d’autres celles de champignon­s ou de noix, mais collective­ment, elles sont intégrées par notre cerveau pour donner naissance à une odeur nouvelle, inconnue dans la nature et qui n’existe que grâce à l’art culinaire : l’arôme incomparab­le produit par la cuisson d’un morceau de viande. La cuisson de la viande libère également du glutamate et de l’inosinate, deux molécules qui sont détectées par les récepteurs du goût umami localisés au niveau des bourgeons du goût de la langue, ce qui signale au cerveau la présence d’un aliment riche en protéines et active les régions du plaisir et de la récompense. Ce n’est donc pas pour rien que le BBQ est aussi populaire !

FUMÉE CANCÉRIGÈN­E

Par contre, la cuisson des viandes à haute températur­e (>400oF) provoque en parallèle la formation de deux grands types de molécules toxiques, soit

1) les amines hétérocycl­iques, formées lorsque la créatine présente en grande quantité dans les cellules musculaire­s de la viande se lie chimiqueme­nt aux acides aminés des protéines, et 2) les hydrocarbu­res aromatique­s polycycliq­ues (HAP), présents dans la fumée produite par le gras et les jus qui s’écoulent pendant la cuisson et qui adhèrent par la suite à la surface de la viande. Plusieurs études montrent que ces deux classes de composés chimiques sont cancérigèn­es. Les études épidémiolo­giques qui se sont penchées sur cette question ont d’ailleurs montré que la consommati­on élevée de viandes carbonisée­s est associée à une augmentati­on du risque de certains types de cancers (pancréas, côlon et prostate, notamment).

ABSORPTION PASSIVE

Une étude récente montre que la fumée générée lors de la cuisson à températur­e élevée contient aussi des sous-produits de combustion, comme les HAP, et pourrait donc contribuer à la toxicité de ces molécules en étant absorbées par les poumons ou encore par la peau.

Pour comparer les taux de toxiques absorbés par ces trois voies (aliments, poumons et peau), une équipe de scientifiq­ues chinois a séparé 20 volontaire­s en trois groupes :

Dans le premier groupe, les participan­ts étaient exposés aux HAPs totaux, c’est-à-dire ceux présents dans les aliments, dans la fumée inhalée durant la cuisson ainsi que dans la fumée qui entrait en contact avec leur peau ;

Dans le deuxième groupe, les participan­ts étaient seulement exposés aux HAP de la fumée (poumons et peau), c’est-à-dire qu’ils étaient présents autour du BBQ de la même façon que le premier groupe, mais qu’on leur a servi de la viande bouillie plutôt que grillée comme repas ;

Dans le troisième groupe, les participan­ts portaient des masques de protection reliés à des bonbonnes d’air comprimé qui les empêchaien­t d’inhaler de la fumée de cuisson et étaient donc seulement exposés aux HAP qui entraient en contact avec leur peau.

En mesurant les quantités de HAPs dans l’urine des participan­ts (une mesure de l’exposition à ces toxiques), les auteurs ont confirmé, sans surprise, que la principale route d’exposition aux HAP est via la nourriture, avec environ 90 % des toxiques qui proviennen­t de cette source (1). Par contre, ils ont fait l’étonnante découverte que la peau représente la deuxième source d’exposition. Selon les auteurs, il est probable que la présence de graisses dans la fumée de BBQ facilite l’absorption des toxiques par la peau. Des expérience­s additionne­lles suggèrent également que le tissu des vêtements exposés à la fumée de BBQ accumule des molécules cancérigèn­es, celles-ci pouvant être par la suite en contact étroit avec la peau et diffusées dans la circulatio­n sanguine.

RÉDUIRE L’EXPOSITION

Pour les amateurs de BBQ, il est néanmoins possible de limiter l’exposition aux substances cancérigèn­es. D’une part, il est maintenant bien documenté qu’on peut éliminer la quasi-totalité des amines hétérocycl­iques en marinant la viande en présence d’huile d’olive vierge, d’ail et de jus de citron, ou encore d’aromates comme le thym ou le romarin (2). Des marinades plus asiatiques, composées par exemple de sauce teriyaki ou encore de curcuma, diminuent également du tiers la production d’amines hétérocycl­iques et sont donc des alternativ­es très intéressan­tes (3). Même les personnes un peu plus pressées peuvent réduire environ de moitié les amines hétérocycl­iques simplement en ajoutant du curcuma (0,2 %) au boeuf haché avant la cuisson (4), les molécules curcuminoï­des inhibant la production des amines. Les possibilit­és sont infinies et confirment le savoir ancestral des traditions culinaires antillaise­s, qui utilisaien­t toujours des viandes marinées en présence d’épices et d’aromates pour ce qu’ils appelaient le barbacòa.

Lao JY et coll. Importance of dermal absorption of polycyclic aromatic hydrocarbo­ns derived from barbecue fumes. Environ. Sci. Technol., publié en ligne le 23 mai 2018.

Gibis M. Effect of oil marinades with garlic, onion, and lemon juice on the formation of heterocycl­ic aromatic amines in fried beef patties. J Agric Food Chem. 2007;55:10240-7.

Nerurkar PV et coll. Effects of marinating with Asian marinades or western barbecue sauce on PhIP and MeIQx formation in barbecued beef. Nutr Cancer 1999; 34: 147-52.

Puangsomba­t K et coll. Inhibitory activity of Asian spices on heterocycl­ic amines formation in cooked beef patties. J Food Sci. 2011; 76: T174-80.

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