Un dernier repas avec ses proches
Un septuagénaire partage un ultime souper dans un restaurant du Vieux-Québec avant de mourir
QUÉBEC | « Je n’ai pas de préconçu par rapport à la mort. Je n’ai pas peur de ça. Je m’en vais là et je n’ai aucun regret. J’aurai tout fait », confie Claude Dionne. À l’aube de son ultime voyage, le septuagénaire a réalisé l’une de ses dernières volontés : un copieux repas entouré de ses proches.
L’homme, qui soufflait ses 73 bougies samedi, souffre d’un cancer incurable du pancréas. Il n’en a plus pour longtemps ; deux mois, tout au plus, de l’avis des médecins. Malgré l’appétit qui se fait rare, il tenait mordicus à déguster pour une dernière fois le filet mignon en boîte du restaurant Le Continental, dans le Vieux-Québec. Un endroit qu’il réservait pour les « occasions spéciales », une ou deux fois par année.
« Il y en a tellement eu, des beaux souvenirs », évoque Claude Dionne, en pensant à sa vie. « Ce souper, c’est la cerise sur le gâteau », lance-t-il, flanqué de son épouse Denise Gaudreault et de sa nièce Martine Dionne.
Cette dernière volonté lui est apparue comme une occasion toute désignée pour souligner le « travail remarquable » du personnel médical qui a pris soin de lui à l’Enfant-Jésus de Québec, ce pourquoi il a invité Le Journal à se joindre à la table.
« Ils prennent soin de nous, c’est incroyable. Si ça peut inspirer quelqu’un à poursuivre son très bon travail… », lancet-il, la gorge nouée par l’émotion.
« TELLEMENT » D’AMOUR
Sa femme Denise, son indéfectible compagne des 46 dernières années, n’al- lait pas se faire prier pour lui faire vivre pareil bonheur. « Même si ça avait coûté 100 000 $, j’aurais trouvé un moyen. Ça n’a pas d’importance », illustre-t-elle. « Il m’a tellement donné d’amour », renchérit-elle.
Pendant ce temps, les yeux de Claude sont rivés sur sa chère Denise. Homme de peu de mots, de son propre aveu, il ne tarit pas d’éloges envers la femme qu’il aura « aimée sans condition ». « C’est une histoire d’amour comme peu de personnes peuvent vivre », dit admirativement sa nièce Martine, serrant la main de son oncle.
« C’est très flatteur de savoir qu’ils ont vécu leurs beaux moments ici », affirme le copropriétaire du Continental, Sylvain Pageau, chaleureusement remercié par son visiteur à l’issue du repas.
« Je suis content qu’il ait été capable de venir », dit-il, pensant à une dame qui entretenait pareille dernière volonté, il y a deux mois, mais qui n’avait pas été en mesure de vivre le moment espéré.
11 JUIN
Cette fin aussi subite qu’imprévue n’apparaissait sur aucun radar à l’approche du dernier temps des Fêtes. Passé la nouvelle année, tout a déboulé de manière précipitée. Son appétit diminue et une douleur au ventre s’installe.
« Ça a commencé tranquillement. Au restaurant, je prenais deux ou trois bouchées et je passais l’assiette. Je n’avais plus faim. Ça me faisait mal. La douleur commençait… », ressasse-t-il.
Le diagnostic tombe le 11 juin. Le cancer du pancréas dont souffre M. Dionne est incurable, lui annonce-t-on, ajoutant que la maladie prendra le dessus incessamment.
« C’est tellement rapide, s’attriste Denise. Notre vie a complètement basculé le 11 juin. Il est rentré à l’urgence le lundi matin. À 16 h 20, on nous annonçait qu’il fallait se préparer pour la fin. »
JUSQU’À LA FIN
Implacable face à son destin imminent et fier de la vie qu’il a menée, une inquiétude omniprésente le rongeait à l’idée de laisser sa femme derrière. Mais quelques heures avant le repas, ses dernières appréhensions se sont dissipées. « J’ai toujours payé les factures et tout… Je ne voulais pas qu’elle soit accablée par ça. Mon comptable a certifié des affaires… Ça me libère. Elle va être bien entourée », se rassure-t-il.
« Tout ce que je veux, c’est qu’il soit bien. Je ne veux pas le faire souffrir trop longtemps, qu’il reste à cause de moi », explique Denise.
« On se tient fort tous les deux, poursuit-elle. On a toujours été tellement heureux ensemble. On va l’être jusqu’à la fin. »