La Syrie, un désastre complet
La Syrie, c’est l’échec de tout ce qui nous semblait aller de soi. La force de la démocratie et la puissance du peuple qui se lève ? Oubliez ça ! La diplomatie comme ultime moyen d’empêcher le monde de retomber dans la barbarie des guerres à répétition? Faites-moi rire! Les grandes valeurs humanitaires, le devoir de secourir les plus vulnérables ? Au diable !
Il y a plus de sept ans qu’on s’entretue en Syrie. Un soulèvement pacifique à Deraa a été l’étincelle de cette guerre civile qui a dégénéré en conflit régional. Les habitants de cette petite ville du sud du pays se sont mis à manifester contre quarante ans de dictature de la famille Assad, puis toute la Syrie s’est embrasée.
La violente riposte du pouvoir central a éveillé une rébellion armée, elle-même rapidement doublée par une insurrection islamiste et la création d’un califat par l’État islamique dans un vaste secteur du pays. Tout allait si mal qu’on a senti un moment que le régime vacillait.
Sept ans plus tard, l’armée de Bachar al-Assad mène une terrible offensive contre cette fameuse région de Deraa, là où tout a commencé. En dix jours, plus d’une centaine de civils ont été tués et au moins 120 000 personnes ont fui les bombardements. Ils ont pris la direction des frontières les plus proches – la jordanienne au sud, l’israélienne à l’ouest – mais ils ont été avertis, dans les deux cas, qu’on ne les laissera pas entrer.
NÉGOCIER ? VOYONS DONC !
La Syrie, c’est le triomphe complet de la méthode forte. Prenez la ligne rouge tracée par Barack Obama contre l’utilisation d’armements chimiques par le régime de Damas : les Syriens s’en sont moqués et ont continué de gazer des innocents. Obama, plutôt que de raser le QG d’Assad ou d’anéantir les sites de fabrication et de stockage d’armes chimiques, a négocié un désarmement chimique de la Syrie, supervisé par la Russie.
Résultat ? Syriens et Russes ont ridiculisé les Américains, répétant les attaques chimiques et permettant à Bachar al-Assad de poursuivre ses massacres d’opposants. Assad – c’est à relever – démontre à lui seul que les « hommes forts » ont la cote : il faut une absence impressionnante de sensibilité pour tuer ainsi ses propres citoyens, jour après jour, pendant plus de sept ans.
La méthode douce, celle de la diplomatie et des négociations, est la grande perdante de cette crise. Ce sont les armes et les réflexes les plus brutaux qui se sont imposés. C’est ainsi que les djihadistes ont disséminé leur interprétation tordue de l’islam et c’est de la même façon qu’ils ont péri, bombardés sans pitié. Mettons qu’ils le méritaient.
Les populations civiles, toutefois, et même les rebelles modérés qui cherchaient à se libérer de la tyrannie d’Assad ne méritaient certainement pas la canonnade et le mitraillage incessants auxquels ils ont été soumis. Le régime a reconquis le territoire perdu, mais dans quel état ?
UN MASSACRE MARINÉ À LA VODKA
La Syrie, c’est aussi un triomphe magistral de la Russie. Sortie affaiblie de l’effondrement de l’URSS et marginalisée après l’invasion de la Crimée, elle est devenue incontournable au Moyen-Orient. Sans états d’âme, elle s’est rangée derrière Assad, et ses avions ont multiplié les raids contre les ennemis du régime, décimant hommes, femmes et enfants.
Elle profite des déchirements au sein de l’Union européenne provoquée par l’arrivée de centaines de milliers de réfugiés syriens en 2015 et la crise d’hospitalité qui s’en est suivie. Et comme les États-Unis de Donald Trump ont fait le choix de ne plus se mêler des chicanes du coin, Vladimir Poutine peut se frotter les mains, satisfait. La Syrie, un désastre, vraiment, du tout au tout.