La soeur sexologue
« Je ne suis plus au Québec et je ne veux plus rien savoir du Québec ». C’est ainsi que Marie-Paul Ross, religieuse sexologue et infirmière qui a connu ses heures de gloire au Québec, a répondu à ma consoeur du Journal Magalie Lapointe, qui l’a rejointe au Nouveau-Brunswick.
La religieuse y pratique désormais son métier après être partie à la suite d’une dénonciation de la part d’une victime qu’elle avait traitée. Marie-Paul Ross a été une vedette médiatique qui séduisait le public par ses conférences sur le sexe. On la trouvait large d’esprit et son assurance quand elle parlait de la sexualité ravissait les foules.
On ignorait que cette femme consacrée à Dieu son époux faisait des affaires avec deux frères de la communauté, des frères maristes avec lesquels elle avait fondé son institut de développement intégral. Or, Marie-Paul Ross était la thérapeute d’agresseurs religieux, dont des frères Maristes, et en même temps des victimes de ces mêmes frères. Ce qui est une situation évidente de conflit d’intérêts.
INDIGNATION
Le dossier publié dans le Journal de samedi soulève l’indignation. Car soeur Ross était aussi conseillère à la cour lors du procès des religieux pédophiles et elle assurait au tribunal que ces derniers, des frères maristes, qui avaient suivi ses thérapies, ne représentaient que de faibles risques de récidive. Or, l’avocat de la communauté siégeait aussi au conseil d’administration de l’institut.
Le père Raymond-Marie Lavoie, un rédemptoriste pédophile notoire qui a plaidé coupable d’agressions sexuelles sur treize adolescents, a lui-même suivi une thérapie à l’institut de soeur Ross qui formait elle-même des thérapeutes selon sa méthode qu’elle présentait comme universellement reconnue. Dans le cas du pédophile Lavoie, elle a aussi déclaré que le risque de récidive était faible.
En lisant cette enquête factuelle dépouillée de sensationnalisme, on découvre de nouveau la collusion religieuse pour protéger les communautés au sein desquelles ont sévi trop d’agresseurs d’enfants. Dans ce cas, une religieuse formée comme infirmière et sexologue a participé à une opération de camouflage pour protéger la réputation des religieux.
MALAISE
Cette femme d’apparence enjouée, accorte et énergique, je l’ai croisée à quelques reprises dans des salons du livre. Et j’ai entendu ses discours, ambigus dans la bouche d’une épouse de Jésus. Il flottait un malaise dans ses propos à l’allure affranchie. Comment a-t-elle pu traiter à la fois les agresseurs et les agressés dans son institut dirigé par des frères maristes confrères des agresseurs ? Comment a-t-elle cautionné de ses conseils professionnels les thérapies d’anciens élèves de cette communauté ? Et cela dans le même temps.
L’Église, on le sait, aime le silence en ces matières sexuelles. Soeur Ross conseillait aussi aux victimes de ne pas porter plainte. Pour leur propre équilibre peut-être ?
Marie-Paul Ross se disait aussi féministe. Elle a reçu la médaille de l’Assemblée nationale pour son engagement social et communautaire. Sans doute cette noble assemblée ignorait-elle que son engagement communautaire était d’abord réservé à l’Église et à la communauté des frères maristes. Pour la plus grande gloire de Dieu.
Amen.