Chef de l’année et apôtre des produits régionaux
Elle a été couronnée lors des premiers Lauriers de la gastronomie québécoise
Colombe St-Pierre s’est donné comme mission de faire connaître le patrimoine comestible du Bas-Saint-Laurent.
Elle a été élue chef de l’année au Québec, et, pourtant, assurer la rentabilité de son établissement est un défi de tous les jours pour la propriétaire de Chez St-Pierre, une table gastronomique située au Bic, dans le Bas-Saint-Laurent.
La réputation de son restaurant dépasse les frontières de la région. Il n’est pas rare que des gens partent de Montréal le matin pour venir manger à sa table le soir.
« Les gens sont très réceptifs à ce que je fais, et je suis comblée de reconnaissance. C’est fabuleux ce qui m’arrive », affirme Colombe St-Pierre, qui a été élue chef de l’année lors de la première édition des Lauriers de la gastronomie québécoise, en avril dernier.
Elle a ouvert son restaurant il y a 15 ans. Le choix de s’établir au Bic, près de Rimouski, n’était pas fortuit. Après un séjour à l’étranger qui l’a menée de l’Allemagne à l’Afrique en passant par la Malaisie et l’Australie pour apprendre la cuisine d’ailleurs, elle a décidé de revenir à ses racines. Par amour pour sa région, mais pas seulement.
« Pour moi, c’était important de m’établir au Bic pour briser l’idée que toutes les meilleures tables sont à Québec et à Montréal », explique-t-elle.
UNE GASTRONOMIE DE PROXIMITÉ
Colombe St-Pierre s’est engagée à mettre en valeur le patrimoine comestible de sa région.
« J’ai été inspirée lors de mes voyages par des restaurants qui proposent une gastronomie en accord avec les produits du territoire. En m’installant au Bic, je me suis aussi rapprochée du produit. »
La chef a développé un réseau de fournisseurs de la région comme la ferme Bio-Rousseau, productrice de porc et d’agneau biologiques à Saint-Gabriel, la ferme Fournier de Saint-Fabien qui l’approvisionne en boeuf ou la ferme du Vert Mouton, spécialisée dans la production de légumes, verdures et pousses diverses.
Elle a aussi largement contribué à répertorier le naturel sauvage comestible de la région (comme les épinards de mer ou le poivre des dunes), qu’elle a intégré à ses menus au gré de ses recherches pour trouver la façon de les apprêter.
UN PRIX À PAYER
Avec ces producteurs, Colombe St-Pierre a développé un véritable partenariat d’affaires. « Il faut que je leur assure un certain volume de commandes pour qu’ils puissent aller de l’avant dans la production et développer un produit. Je prends un risque, puisque je ne sais jamais combien j’aurai de personnes à ma table. Comme le système d’approvisionnement n’est pas organisé pour encourager cette façon de faire, ça me coûte forcément plus cher. »
À force de chercher, elle trouve des solutions pour abaisser les coûts, comme de commander des bêtes entières pour obtenir le meilleur prix. « Par contre, il faut être ingénieux pour utiliser toutes les parties afin de limiter les pertes. Je peux aussi faire des achats en groupe. Tel restaurant va prendre telles pièces, et moi, telles autres. Cela exige beaucoup d’organisation et ça demande du temps. »
Sa vision de la cuisine lui impose des choix et elle accepte d’en payer le prix. Ce qui ne l’empêche pas d’aller au front pour défendre ce en quoi elle croit. « C’est alarmant de se rendre compte après 15 ans que la situation financière du restaurant se détériore au lieu de s’améliorer. »
Il faut dire que le milieu de la restauration n’est pas le plus facile. « Il y a toujours plus de frais à payer. S’il était possible il y a 10 ans de faire 5 % de profit, aujourd’hui, la marge se situe plutôt entre 2 % et 3 %. »
Pourquoi continue-t-elle ? « Parce que j’y crois... Cela fait un peu catho de dire ça, mais je suis prête à faire des sacrifices pour que d’autres puissent profiter du combat que je mène aujourd’hui pour l’autonomie alimentaire au Québec. Comme moi je profite aujourd’hui du combat que des femmes ont mené pour obtenir le droit de vote. »