Le Journal de Montreal

La gauche niaiseuse

- CLAUDE VILLENEUVE claude.villeneuve@quebecorme­dia.com

Quand j’étais enfant, l’été, mes parents se dépêchaien­t de nous donner le bain après souper pour regarder un film loué au club vidéo. On peut se coucher plus tard, en vacances !

La saison est propice à l’écoute-marathon de séries télévisées sur Netflix. Aussi, je vous recommande celle que j’ai préférée au cours de la dernière année. Il s’agit de

Babylone Berlin, la production la plus coûteuse créée dans une autre langue que l’anglais par le géant de la diffusion en ligne.

ENVOÛTANTE

La propositio­n est la suivante : Berlin, entre-deux-guerres, divisée en différente­s factions. Les policiers, presque tous des vétérans post-traumatisé­s à divers degrés ; la gauche ouvrière, qui fait monter la chaleur dans les quartiers ; la pègre, contrôlée par un homme mystérieux appelé « l’Arménien » ; les gens de nuit qui, fêtards, prostitués ou musiciens, sont trop jeunes pour avoir vécu la Grande Guerre et connaissen­t encore l’insoucianc­e ; des Russes trotskiste­s qui complotent contre Staline ; l’aristocrat­ie qui rêve de rebâtir l’armée allemande et réinstalle­r le kaiser ; la majorité des Berlinois, dans l’extrême pauvreté ; et la peste brune, qui commence à faire sentir sa présence.

Tout ce beau monde, incarné par autant de personnage­s fascinants, évolue dans un ballet envoûtant, avec pour décor une reconstitu­tion d’époque saisissant­e de Berlin, avant qu’elle ne soit brisée par le joug nazi, les bombardeme­nts alliés puis la botte soviétique.

Vraiment, c’est à voir.

EXALTÉ

Je repense souvent à cette série, parce qu’elle met en lumière ce dont la droite radicale a besoin pour atteindre ses objectifs, soit une gauche niaiseuse et bien organisée.

(ALERTE DIVULGÂCHE­UR !) En effet, l’enjeu de Babylone Berlin, c’est que l’armée noire allemande tente de s’approprier un wagon rempli d’or que les trotskiste­s ont fait venir de Russie pour financer leur cause. Plus tard, une jeune gouvernant­e est convaincue de venger la mort de son compagnon, un militant communiste exalté, en posant une bombe dans le bureau du commissair­e de police social-démocrate chez qui elle travaille. On découvre ensuite que les fascistes ont orchestré le tout.

Ça rappelle l’incendie du Reichstag, lorsque les nazis ont profité du geste d’un jeune communiste plutôt mêlé pour suspendre la démocratie.

1933

On entend parfois ces temps-ci des gens qui font des parallèles entre 1933 et notre époque, quand des partis populistes prennent le pouvoir par les voies légales en tablant sur la xénophobie ambiante et en proposant de restaurer une grandeur passée.

Tout cela est vrai et inquiétant. Mais on oublie que s’il y a une autre ressemblan­ce entre 1933 et aujourd’hui, c’est qu’il y a toujours une gauche épaisse, déconnecté­e des aspiration­s des gens modestes qu’elle prétend défendre.

J’y pense souvent. Quand je vois des ploucs portant des masques soviétique­s qui installent leur enfant devant une pinata en forme de tête de loup de La Meute. Quand je vois des « antifas » traiter Lorraine Pintal de gardienne de plantation. « Ah, les fachos doivent vraiment les aimer, ceux-là ! »

Parce qu’il n’y a rien qui pousse autant le peuple à se précipiter dans les bras de la droite populiste qu’une gauche niaiseuse qui le convainc qu’il a raison de craindre pour sa sécurité et ses acquis.

Ah, les fachos doivent vraiment les aimer, ceux-là !

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada