Le Journal de Montreal

De lourdes séquelles à porter sur ses épaules

- JEAN-FRANÇOIS RACINE

QUÉBEC | Comme plusieurs autres à Lac-Mégantic, Dominique Bilodeau souffre toujours des séquelles liées à cette nuit d’horreur telles que la recherche de sorties de secours, l’hypervigil­ance ou l’intoléranc­e aux feux d’artifice.

Marquée pour la vie, la femme de 38 ans a choisi de parler de ce qui s’est brisé lors de ce code orange à l’hôpital local.

Ancienne assistante-infirmière-chef du CSSS du Granit, à Lac-Mégantic, elle sait maintenant que le trouble du stress post-traumatiqu­e n’affecte pas seulement les militaires.

Dans la nuit du 5 au 6 juillet 2013, les alarmes de l’hôpital ont commencé à retentir vers 1 h 20. Après avoir vu une boule de feu au loin, le personnel apprend que le centre-ville est rasé. « Je suis assistante, mais on ne m’a pas formée sur mon rôle en cas de code orange », raconte-t-elle.

TOUJOURS PIRE

« Les blessures sortent souvent beaucoup plus tard quand l’adrénaline lâche. Le plus difficile, quand tu n’as perdu personne, c’est de se donner le droit d’avoir une douleur face à ça. On se dit toujours qu’il y a des gens qui ont vécu pire. Tu te culpabilis­es d’admettre ton problème alors que des gens souffrent plus que toi », explique Dominique Bilodeau.

Malgré huit ans passés comme réserviste dans les Forces canadienne­s, rien ne l’avait préparée à un tel choc. Inquiets, plusieurs membres du personnel médical en poste tentent en même temps de rejoindre des proches.

VISION D’HORREUR

Une infirmière cherche son conjoint prisonnier dans son appartemen­t au centre-ville, alors que son père est aussi pompier. Un médecin pleure son gendre qui se trouve au centre de l’explosion. Les idées se bousculent et personne ne peut quitter les lieux.

L’infirmière se souvient d’une deuxième explosion et des gens qui se sauvent dans la rue. Dans sa tête, elle dit adieu à ses trois enfants. Au matin, l’urgence est affreuseme­nt silencieus­e. Pas de sirène, pas de survivant.

« Il n’y a pas d’exercice aussi réel. Il faut garder son profession­nalisme. Dans le cahier, il n’y avait même pas d’explicatio­n pour l’évacuation de l’hôpital. »

Cinq ans après, Dominique Bilodeau est encore en hypervigil­ance lorsqu’elle se trouve dans un endroit inconnu. La désensibil­isation par une psychologu­e n’a pas fonctionné. « Il faut y faire face. Ça existe. Ce n’est pas pour faire pitié. Ça change ta façon d’être. »

« PENDANT UNE NANOSECOND­E, J’AI EU UNE VISION QUI A BRISÉ QUELQUE CHOSE EN DEDANS DE MOI. »

– Dominique Bilodeau

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PHOTO LE JOURNAL DE QUÉBEC, JEAN-FRANÇOIS RACINE Assistante-infirmière-chef de l’hôpital lors de la tragédie ferroviair­e, Dominique Bilodeau a compris que les blessures qu’elle subit ne sont pas toutes visibles.

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