Le Journal de Montreal

Trump et l’heure des comptes

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Le cirque qu’est devenue la Maison-Blanche sous Donald Trump reprend la route cette semaine. Avec arrêt à Bruxelles, Londres, puis Helsinki la semaine suivante. Et pas besoin d’affiche, le spectacle est déjà bien rodé : un rinçage en règle des alliés traditionn­els des États-Unis, suivi d’un flirt sans le moindre embarras avec un autocrate.

Son dernier numéro, la troupe de Trump l’a présenté au sommet du G7 dans Charlevoix : Justin Trudeau a été roulé dans la farine avant que l’illusionni­ste ne réapparais­se auprès de Kim Jong-un à Singapour. Un allié insulté contre un tyran louangé, une diplomatie de bouffons !

Prochaine étape : le sommet de l’OTAN mercredi et jeudi prochains. Et le souffre-douleur, cette fois-ci, sera la chancelièr­e allemande, Angela Merkel. Trump en veut aux membres de l’Alliance atlantique qui n’investisse­nt pas, comme promis, 2 % de leur PIB en dépenses militaires.

L’immense majorité des pays membres se trouvent dans ce groupe, mais il a une dent contre « Angela », comme il l’appelait familièrem­ent jeudi dernier à Great Falls, dans le Montana : « L’Allemagne est le plus grand pays de l’Union européenne et ne paie que 1 % (de son PIB pour la défense). J’ai dit, “Angela, nous vous protégeons, mais cela signifie beaucoup plus pour vous que pour nous […] Je ne sais pas quelle protection nous obtenons en vous protégeant.” » En d’autres mots, vous payez ou le shérif s’en va et laisse son étoile derrière.

L’OTAN D’ABORD, LES EUROPÉENS ENSUITE

La bastonnade verbale ne s’arrêtera pas là. Coup de chance pour le président américain, 22 des 29 membres de l’OTAN font aussi partie de l’Union européenne, une autre organisati­on qui l’enrage. Et ils vont se le faire dire.

« Nous aimons les pays de l’Union européenne », a-t-il prétendu fin juin à Fargo, dans le Dakota du Nord, « sauf que l’Union européenne, naturellem­ent, a été créée pour profiter des États-Unis. On ne laissera pas faire ça ! » Que le grand marchandag­e commence !

Trump, qui a conclu qu’en Europe comme partout ailleurs les Américains se font commercial­ement avoir (malgré l’avertissem­ent des économiste­s que de tout baser sur les déficits commerciau­x est un mauvais réflexe), compte utiliser ses grands rendez-vous européens pour amorcer de méga-transactio­ns : vous haussez vos budgets militaires ou vous faites des concession­s commercial­es.

Il fallait d’ailleurs entendre cette semaine Robert Johnson, l’ambassadeu­r américain à Londres, décrire les Britanniqu­es comme de bons partenaire­s, puisque « le Royaume-Uni dépensera environ 32 milliards de dollars en équipement militaire américain au cours des dix prochaines années ». C’est clair, un bon partenaire achète « Made in USA ».

MOSCOU, TOUT SOURIRE

Devant tout cela, qui se frotte les mains, croyez-vous ? Vladimir Poutine, bien sûr ! Ses prédécesse­urs soviétique­s ont tout tenté pour diviser les Occidentau­x, en vain. Et voilà que la chicane est solidement prise, sans que le maître du Kremlin ait eu à déployer de grands moyens.

Sauf son armée de trolls qui ont réussi à miner la démocratie américaine, en discrédita­nt — comme le FBI, la CIA et tous les grands services de renseignem­ent l’ont démontré — la candidate démocrate au profit de son rival républicai­n.

Si le scénario du début juin se répète, après avoir nargué et insulté ses alliés, le président américain ira échanger sourires et accolades avec son homologue russe, lui dont ses diplomates, ses espions et ses militaires se méfient.

Il ne reste plus aux Occidentau­x que de gager sur l’imprévisib­ilité de Donald Trump. Impulsif et caractérie­l, il suffit que les Russes se moquent de lui pour qu’il vire capot. Sur le grand échiquier mondial, on en est à espérer que le principal joueur pète un plomb. Désolant.

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