Un coup de chaleur peut être mortel
Une revue systématique des effets de la chaleur extrême sur le corps humain montre que la mortalité associée aux coups de chaleur est causée par une série de phénomènes pathologiques compromettant la fonction de plusieurs organes.
THERMORÉGULATION
Le corps réagit très rapidement à toute augmentation de la température : une hausse de seulement 10°C de la température du sang est détectée par des récepteurs spécifiques qui activent le centre de thermorégulation situé dans l’hypothalamus du cerveau et génèrent deux principaux phénomènes : 1) une vasodilatation des vaisseaux sanguins pour acheminer une plus grande quantité de sang chaud à la surface du corps, jusqu’à 8 litres par minute, de façon à favoriser la dissipation de la chaleur vers le milieu extérieur ; et 2) l’activation du processus de sudation qui permet de dissiper la chaleur par évaporation de la sueur. Si l’air entourant la surface du corps est sec, la sueur est vaporisée et peut dissiper jusqu’à 600 kcal de chaleur par heure. Lorsque l’air est chargé d’humidité, par contre, le gradient de chaleur est perturbé et l’évaporation n’est pas aussi efficace, ce qui explique pourquoi nous ressentons plus intensément la chaleur par temps humide.
COUPS DE CHALEUR
Les coups de chaleur (heat stroke en anglais) sont cliniquement définis comme une température corporelle supérieure à 40°C, accompagnée d’une peau sèche et chaude et d’anomalies du système nerveux central, comme un délirium, des convulsions ou un coma. Ces coups de chaleur peuvent être causés par une exposition à une température très élevée ou encore suite à un effort de très forte intensité ; dans les deux cas, la chaleur élevée excède la capacité du corps à maintenir sa température normale (37°C) par le processus de thermorégulation. Ces coups de chaleur sont extrêmement dangereux, comme en témoignent les 70 000 décès survenus durant la vague de chaleur qui a touché l’Europe en 2003, et les 10 000 morts causées par celle qui a affecté la Russie en 2010.
Une synthèse récente des connaissances acquises sur les mécanismes responsables des coups de chaleur permet de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans cette hausse de mortalité associée aux vagues de chaleur extrême (1). En analysant l’ensemble des données disponibles, les auteurs ont identifié 5 grands
mécanismes qui perturbent le fonctionnement de 7 principaux organes et qui, collectivement, sont responsables de la mortalité associée aux coups de chaleur (voir le tableau pour un résumé des résultats) :
1 Ischémie : la redistribution massive du sang vers la surface du corps fait en sorte que les organes internes ne sont pas suffisamment irrigués (ce qu’on appelle une ischémie) et voient leur fonction perturbée par un manque d’oxygène. 2 Toxicité du choc thermique :
la température élevée provoque la production de plusieurs protéines de stress et radicaux libres qui endommagent les cellules. En plus de perturber la fonction des organes touchés, le bris des cellules augmente la perméabilité des organes aux pathogènes et toxines.
3 Inflammation : Au niveau de l’intestin, l’érosion de la muqueuse provoquée par le choc thermique et l’ischémie favorise l’infiltration de pathogènes dans le sang et le développement d’une réponse inflammatoire systémique qui endommage les organes (sepsis).
4 Coagulation : Un autre dommage de cette inflammation systémique est l’activation exagérée du système de coagulation, ce qui provoque la formation de caillots pouvant bloquer l’arrivée de sang aux organes. 5 Rhabdomyolyse : L’ischémie et le choc thermique peuvent également entraîner la désintégration des fibres musculaires, libérant la myoglobine qui est très toxique pour les reins.
En tout, ce sont donc 27 phénomènes pathophysiologiques qui sont responsables, seuls ou en combinaison, des énormes dommages causés par les coups de chaleur sur le corps humain.
PERSONNES ÂGÉES À RISQUE
Les personnes âgées sont particulièrement à risque de subir des coups de chaleur en raison d’une moins bonne adaptation physiologique aux températures élevées. Par exemple, alors que le débit cardiaque augmente considérablement chez les jeunes adultes exposés à une chaleur intense (pour favoriser la diffusion de chaleur en surface), cette hausse est moitié moindre chez les personnes âgées. Celles-ci sécrètent également de 20 à 30 % moins de sueur que les personnes plus jeunes, ce qui rend l’adaptation à la chaleur élevée plus difficile. Cette diminution de la quantité de sueur fait aussi en sorte que les ventilateurs électriques, qui rafraîchissent en augmentant l’évaporation de la sueur, sont moins efficaces chez les personnes âgées. Les organismes de santé publique recommandent généralement à ces personnes, de même qu’à celles qui sont malades, d’éviter les expositions inutiles au soleil pendant les journées très chaudes et, surtout, de demeurer bien hydratés : par temps très chaud, la perte d’eau par la sudation peut atteindre jusqu’à 2 litres ou plus par heure et doit absolument être compensée par une hydratation adéquate