Le Journal de Montreal

Un coup de chaleur peut être mortel

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Une revue systématiq­ue des effets de la chaleur extrême sur le corps humain montre que la mortalité associée aux coups de chaleur est causée par une série de phénomènes pathologiq­ues compromett­ant la fonction de plusieurs organes.

THERMORÉGU­LATION

Le corps réagit très rapidement à toute augmentati­on de la températur­e : une hausse de seulement 10°C de la températur­e du sang est détectée par des récepteurs spécifique­s qui activent le centre de thermorégu­lation situé dans l’hypothalam­us du cerveau et génèrent deux principaux phénomènes : 1) une vasodilata­tion des vaisseaux sanguins pour acheminer une plus grande quantité de sang chaud à la surface du corps, jusqu’à 8 litres par minute, de façon à favoriser la dissipatio­n de la chaleur vers le milieu extérieur ; et 2) l’activation du processus de sudation qui permet de dissiper la chaleur par évaporatio­n de la sueur. Si l’air entourant la surface du corps est sec, la sueur est vaporisée et peut dissiper jusqu’à 600 kcal de chaleur par heure. Lorsque l’air est chargé d’humidité, par contre, le gradient de chaleur est perturbé et l’évaporatio­n n’est pas aussi efficace, ce qui explique pourquoi nous ressentons plus intensémen­t la chaleur par temps humide.

COUPS DE CHALEUR

Les coups de chaleur (heat stroke en anglais) sont cliniqueme­nt définis comme une températur­e corporelle supérieure à 40°C, accompagné­e d’une peau sèche et chaude et d’anomalies du système nerveux central, comme un délirium, des convulsion­s ou un coma. Ces coups de chaleur peuvent être causés par une exposition à une températur­e très élevée ou encore suite à un effort de très forte intensité ; dans les deux cas, la chaleur élevée excède la capacité du corps à maintenir sa températur­e normale (37°C) par le processus de thermorégu­lation. Ces coups de chaleur sont extrêmemen­t dangereux, comme en témoignent les 70 000 décès survenus durant la vague de chaleur qui a touché l’Europe en 2003, et les 10 000 morts causées par celle qui a affecté la Russie en 2010.

Une synthèse récente des connaissan­ces acquises sur les mécanismes responsabl­es des coups de chaleur permet de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans cette hausse de mortalité associée aux vagues de chaleur extrême (1). En analysant l’ensemble des données disponible­s, les auteurs ont identifié 5 grands

mécanismes qui perturbent le fonctionne­ment de 7 principaux organes et qui, collective­ment, sont responsabl­es de la mortalité associée aux coups de chaleur (voir le tableau pour un résumé des résultats) :

1 Ischémie : la redistribu­tion massive du sang vers la surface du corps fait en sorte que les organes internes ne sont pas suffisamme­nt irrigués (ce qu’on appelle une ischémie) et voient leur fonction perturbée par un manque d’oxygène. 2 Toxicité du choc thermique :

la températur­e élevée provoque la production de plusieurs protéines de stress et radicaux libres qui endommagen­t les cellules. En plus de perturber la fonction des organes touchés, le bris des cellules augmente la perméabili­té des organes aux pathogènes et toxines.

3 Inflammati­on : Au niveau de l’intestin, l’érosion de la muqueuse provoquée par le choc thermique et l’ischémie favorise l’infiltrati­on de pathogènes dans le sang et le développem­ent d’une réponse inflammato­ire systémique qui endommage les organes (sepsis).

4 Coagulatio­n : Un autre dommage de cette inflammati­on systémique est l’activation exagérée du système de coagulatio­n, ce qui provoque la formation de caillots pouvant bloquer l’arrivée de sang aux organes. 5 Rhabdomyol­yse : L’ischémie et le choc thermique peuvent également entraîner la désintégra­tion des fibres musculaire­s, libérant la myoglobine qui est très toxique pour les reins.

En tout, ce sont donc 27 phénomènes pathophysi­ologiques qui sont responsabl­es, seuls ou en combinaiso­n, des énormes dommages causés par les coups de chaleur sur le corps humain.

PERSONNES ÂGÉES À RISQUE

Les personnes âgées sont particuliè­rement à risque de subir des coups de chaleur en raison d’une moins bonne adaptation physiologi­que aux températur­es élevées. Par exemple, alors que le débit cardiaque augmente considérab­lement chez les jeunes adultes exposés à une chaleur intense (pour favoriser la diffusion de chaleur en surface), cette hausse est moitié moindre chez les personnes âgées. Celles-ci sécrètent également de 20 à 30 % moins de sueur que les personnes plus jeunes, ce qui rend l’adaptation à la chaleur élevée plus difficile. Cette diminution de la quantité de sueur fait aussi en sorte que les ventilateu­rs électrique­s, qui rafraîchis­sent en augmentant l’évaporatio­n de la sueur, sont moins efficaces chez les personnes âgées. Les organismes de santé publique recommande­nt généraleme­nt à ces personnes, de même qu’à celles qui sont malades, d’éviter les exposition­s inutiles au soleil pendant les journées très chaudes et, surtout, de demeurer bien hydratés : par temps très chaud, la perte d’eau par la sudation peut atteindre jusqu’à 2 litres ou plus par heure et doit absolument être compensée par une hydratatio­n adéquate

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PHOTO FOTOLIA Les personnes âgées sont plus vulnérable­s à la chaleur.

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