Un magnat du bâtiment voulait éviter l’impôt pour un chalet
Le PDG de Pomerleau a recouru à un stratagème complexe pour encaisser 1 M$
Pierre Pomerleau, le grand patron du géant de la construction Pomerleau, s’est fait pincer par le fisc pour avoir retiré 1 M$ de l’entreprise sans payer d’impôt afin de se faire construire un chalet.
L’homme d’affaires a ainsi contourné de façon « abusive » la règle générale anti-évitement prévue à la Loi de l’impôt sur le revenu, tranche la Cour d’appel fédérale dans un jugement rendu le mois dernier.
Conseillé par le cabinet comptable Ernst & Young (EY), M. Pomerleau a procédé en 2004 et en 2005 à une série d’opérations financières si complexes au sein de l’entreprise familiale que le tribunal de première instance, la Cour canadienne de l’impôt, a dû produire 11 organigrammes pour y voir clair.
DON DE 2 M$
L’une des soeurs de M. Pomerleau, Gaby, lui a ainsi fait don de 2 M$ d’actions de l’entreprise fondée en 1966 par son père, Hervé. De cette somme, près de la moitié, soit 995 000 $, a servi à la construction du chalet et n’avait jamais été assujettie à l’impôt.
Pour éluder le fisc, Pierre Pomerleau a utilisé sa déduction pour gains en capital ainsi que celles de sa mère, Laurette, et de sa soeur.
Pomerleau est aujourd’hui contrôlée par Pierre Pomerleau et son frère Francis, tandis que la société immobilière de la famille, Espacium, est détenue par Gaby Pomerleau et sa soeur Élaine. Francis Pomerleau a également retiré des fonds de l’entreprise de construction en franchise d’impôt, mais on ne sait pas combien.
Pierre Pomerleau a reconnu d’entrée de jeu devant les tribunaux que la planification fiscale à laquelle il s’est adonné visait à éviter de l’impôt. Mais, selon lui, le stratagème respectait la lettre et l’esprit de la loi.
PAS D’EXCEPTION, DIT LE JUGE
Dans une décision de 30 pages, le juge en chef de la Cour d’appel fédérale, Marc Noël, conclut toutefois que la volonté de M. Pomerleau de payer de l’impôt sur son retrait de 995 000 $ ne respectait pas l’esprit de la loi.
Il n’y a pas d’exception pour les transferts intergénérationnels d’entreprises familiales. La loi « empêche que des personnes ayant un lien de dépendance puissent profiter de la proximité de leur relation afin de retirer des fonds de leur société en franchise d’impôt », écrit le magistrat.
Même si le jugement vient d’être rendu, Pierre Pomerleau a versé, en 2011, à l’Agence du revenu du Canada, ce que celle-ci réclamait, soit 163 000 $ en impôt, plus 67 000 $ en intérêts sur les arriérés.
« La décision d’aller en appel relevait d’Ernst & Young, qui désirait clarifier une fois pour toutes l’interprétation à faire de la loi pour ses clients concernés », indique une porte-parole de Pomerleau, Carolyne Van Der Meer, en précisant que le cabinet comptable « a fait le tout à ses propres frais ».
« Les règles existantes fonctionnent de façon injuste pour les propriétaires d’entreprises familiales, commente quant à elle Sarah Shields d’Ernst & Young. Le Québec a agi pour édicter des règles plus justes, mais les autorités fédérales ne l’ont pas encore fait. »
Ernst & Young n’exclut pas de porter l’affaire devant la Cour suprême, précise Mme Shields.
ACTEUR MAJEUR AU CANADA
Pomerleau est l’un des poids lourds de l’industrie de la construction au Canada. L’entreprise a notamment travaillé sur les chantiers du métro de Laval, de la reconstruction du centre-ville de Lac-Mégantic, du Centre Vidéotron, de la centrale LG-1 et de l’usine des avions C Series. Elle fait actuellement partie du consortium qui construit le Réseau express métropolitain, à Montréal.
Le mois dernier, la Caisse de dépôt et placement est devenue actionnaire minoritaire de Pomerleau avec un investissement de 50 M$.