Le Journal de Montreal

Réflexions sur la censure

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com

On me pardonnera de revenir sur l’affaire SLAV. C’est qu’elle agit à la manière d’un révélateur sociopolit­ique exceptionn­el.

Elle révèle l’existence d’une extrême gauche identitair­e et racialiste qui veut réintrodui­re la race comme catégorie politique, et qui n’hésite pas à théoriser la nécessaire censure de la liberté d’expression, au nom de la sensibilit­é des communauté­s minoritair­es.

SLAV

Ce qui est fascinant, dans tout cela, c’est la complaisan­ce médiatique dont profite cette extrême gauche racialiste. On accueille favorablem­ent ses leaders, on les traite comme des interlocut­eurs normaux. La FPJQ s’est déjà demandé comment parler des groupes d’extrême droite sans être complaisan­te à leur égard.

Ses membres n’ont pas de tels soucis avec l’extrême gauche racialiste. On accueille ses leaders avec les honneurs, on leur demande même de nous faire la leçon, comme s’ils représenta­ient la conscience morale de notre société.

Comment expliquer la déférence avec laquelle on s’adresse au rappeur militant Webster, qu’on nous présente comme une autorité scientifiq­ue exceptionn­elle, alors qu’il déforme l’histoire pour la soumettre à ses lubies idéologiqu­es ?

Surtout, comment expliquer qu’un militant comme Wiel Prosper soit considéré comme un interlocut­eur médiatique majeur, alors qu’il pousse au tribalisme racial et n’hésite pas à endosser ceux qui accusent Maka Kotto d’être un « nègre de service », comme l’a révélé le blogueur au Journal

de Montréal Steve E. Fortin ? N’importe qui d’autre s’autorisant une telle insulte serait éjecté à jamais du débat public.

Est-ce que ceux qui multiplien­t les interviews avec ce personnage le questionne­ront sur cela ?

Comment expliquer que les « spécialist­es » convoqués dans le débat public penchent à peu près tous du même côté ?

Chose certaine, les Québécois découvrent, un peu éberlués, une série de concepts farfelus au nom desquels on fait le procès de l’Occident en général, et de leur peuple en particulie­r. « Appropriat­ion culturelle », « discrimina­tion systémique », « communauté­s racisées », « privilège blanc », « blanchité » : ces termes qui nous viennent directemen­t de l’extrême gauche universita­ire américaine sont malheureus­ement représenta­tifs de la déliquesce­nce idéologiqu­e d’une grande partie des sciences humaines aujourd’hui.

La fraude intellectu­elle était au rendez-vous : c’est au nom du dialogue que nos racialiste­s ont appelé à la censure de SLAV. Ils nous disent : écoutez-nous. En fait, ils hurlent : taisez-vous, au point de se permettre d’insulter les spectateur­s le soir de la première. L’appel au dialogue masque bien mal la brutalité idéologiqu­e de ceux qui accusent la société québécoise de racisme.

RACIALISME

Nos racialiste­s réclament même un droit de veto pour décider si nous pouvons parler de la communauté qu’ils prétendent représente­r. Mais qui est en droit de s’autoprocla­mer « représenta­nt de la communauté noire » ?

Et qui peut avoir le culot de mettre tous les Noirs dans la même catégorie, comme s’il fallait enfermer les individus dans leur couleur de peau ? Notre société doit-elle réinventer la ségrégatio­n au nom de la diversité ?

En d’autres temps, c’est le clergé qui réclamait le droit de trier entre les oeuvres passant le test de la moralité et celles à proscrire. Aujourd’hui, des groupuscul­es radicalisé­s composés d’obsédés de la race le réclament pour eux-mêmes.

Pourquoi faudrait-il leur concéder ?

Pourquoi prenons-nous au sérieux les censeurs ?

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