AU NOM DU PÈRE ET DU FILS
VAL-D’OR | « Toi, on ne veut pas te voir gagner le Tour. »
La phrase adressée par des dirigeants du Tour de l’Abitibi à Jacques Belzile sonnait comme une demande polie avec un fond de vérité. Le doyen de l’équipe de Rimouski avait 26 ans quand il s’est présenté au Tour de 1975, servi par le règlement de l’époque qui acceptait les coureurs de catégorie sénior C.
« On n’y va pas si on ne peut pas emmener le capitaine de notre équipe », avait imposé comme condition l’entraîneur Jean-Pierre Thiboutot, devinant l’utilité qu’aurait Belzile pour son jeune prétendant au trône appelé Pierre Harvey.
Quand Belzile a perdu son maillot brun de meneur du Tour au profit de son dauphin au terme de la quatrième étape, il s’est ensuite investi, en bon joueur, pour assurer la protection de son coéquipier jusqu’à la fin. S’il avait été en position pour conserver ce maillot tant convoité jusqu’à la fin, aurait-il défié la volonté des organisateurs pour devenir à tout jamais le champion le plus âgé de cette course pour juniors ?
« Pourquoi pas ? » répondil aujourd’hui sans vouloir jouer au fanfaron.
LA REVANCHE DE GUILLAUME
Dix-neuf ans plus tard, on apprendra que cette occasion manquée cachait une revanche. Ce dimanche 31 août 1975, le jour où Pierre Harvey a confirmé sa victoire, la conjointe de Belzile, Brigitte, était enceinte depuis quelques semaines.
En mars 1976, leur petit Guillaume est arrivé. Comme au cinéma, le même Guillaume qui, le 7 août 1994, deviendra le sixième Québécois champion du Tour de l’Abitibi. Au pied de l’estrade dans une rue de La Sarre, Jacques Belzile ne pouvait retenir ses larmes durant la cérémonie.
« C’était émouvant de voir son propre fils gagner une épreuve internationale de ce niveau avec des Russes, des Allemands et un paquet d’Européens. »