DES FORÊTS DESTINÉES AU TOURISME COUPÉES À BLANC
Le ministère des Forêts autorise des coupes forestières dans des secteurs que des villages veulent protéger
Des villages de partout au Québec se démènent pour créer des parcs touristiques, mais le ministère des Forêts les cède aux compagnies forestières.
À Lamarche, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, la pilule ne passe pas.
« Comptez sur moi, on va tout faire pour les empêcher de couper. S’il faut, on s’enchaînera aux arbres », prévient la mairesse Lise Garon.
Sa municipalité a reçu en février 100 000 $ du ministère des Affaires municipales pour un projet récréotouristique le long de la rivière Péribonka.
Or, le plan d’aménagement forestier 2018-2023 présenté au printemps prévoyait des coupes sur 14 km le long de la rivière.
Le ministère des Forêts a depuis reculé devant la levée de boucliers. Mais Mme Garon craint que ce ne soit que temporaire.
« On est en année électorale, ce n’est pas le temps d’allumer un feu. Mais on sait bien que ce n’est que partie remise », dit-elle.
AIRES PROTÉGÉES
C’est à se demander si les ministères se parlent.
Le secteur est visé par un projet d’aire protégée à l’étude à l’Environnement.
Mais « le ministère des Forêts planifie de façon récurrente des coupes dans des secteurs visés par des projets de conservation », souligne Pier-Olivier Boudreault, de la Société pour la nature et les parcs (SNAP).
En 2014 et 2018, le ministère des Forêts a proposé 32 chantiers de coupes dans des secteurs où des aires protégées sont à l’étude, calcule la SNAP.
TOUJOURS À RECOMMENCER
Parmi eux se trouvent des parcs régionaux, dont celui de la forêt Ouareau, dans Lanaudière.
« On se bat depuis 15 ans pour arrêter les coupes, mais c’est à recommencer chaque année. Depuis 1990, ils ont rasé plus de 40 % de la forêt », dit Sylvie Lavoie, des Amis de la forêt Ouareau.
Les parcs régionaux sont créés par les municipalités et ne sont pas sous la protection de la SEPAQ, comme le parc d’Oka par exemple. Les coupes de bois y sont permises et les municipalités n’ont pas le pouvoir de les stopper.
« Ça se joue beaucoup au-dessus de nos têtes », souffle Sylvain Breton, maire d’Entrelacs et préfet de Matawinie où se trouve la forêt Ouareau.
Les 15 municipalités de Matawinie investissent gros : jusqu’à 60000 $ par année chacune, en plus de milliers de subventions.
L’entreprise d’État Hydro-Québec a par exemple versé l’an dernier 660 200 $ pour des projets liés au développement des parcs en Matawinie, indique la société d’État.
INVESTISSEMENTS À L’EAU
« On investit pour construire des refuges et des sentiers de randonnées, et puis les forestiers viennent couper tout autour », dénonce Mme Lavoie.
À Lamarche, on espère bien ne pas voir un tel gâchis.
« Ce projet représente la solution pour sortir de 25 années de dévitalisation », indique la mairesse Garon. « Notre scierie a fermé. Notre seul avenir, c’est le tourisme », insiste-t-elle.