Le Journal de Montreal

Le soleil pour soigner le cerveau

Une fascinante recherche récente rapporte qu’une exposition modérée aux rayons ultraviole­ts stimule la production d’un neurotrans­metteur qui favorise la mémoire et l’apprentiss­age.

- (1) Fell GL et coll. Skin -endorphin mediates addiction to UV light. Cell 2014 ; 157 : 1527-34. (2) Zhu H et coll. Moderate UV exposure enhances learning and memory by promoting a novel glutamate biosynthet­ic pathway in the brain. Cell 2018 ; 173 : 1716–1

Les rayons ultraviole­ts du soleil sont un des meilleurs exemples d’une arme à double tranchant : d’un côté, l’exposition au soleil est indispensa­ble à une bonne santé, car les rayons UV permettent la production de la vitamine D, une substance qui joue des rôles très importants dans le développem­ent du squelette, la fonction immunitair­e et la prévention de certains cancers. De l’autre, plusieurs études ont démontré hors de tout doute que l’exposition excessive au soleil est associée à un risque accru de développer des cancers de la peau comme les carcinomes basocellul­aires, les carcinomes spinocellu­laires et les mélanomes. Les mélanomes sont particuliè­rement dangereux puisqu’ils peuvent atteindre la circulatio­n sanguine et se disséminer sous forme de métastases.

Le soleil doit donc être considéré comme une source exceptionn­elle d’une substance essentiell­e à la santé (la vitamine D), mais qui est tellement puissante qu’on doit faire preuve d’une extrême modération à son endroit.

IMPACT SUR LE CERVEAU

Un autre aspect positif de l’exposition modérée au soleil est son effet bénéfique sur la santé mentale. Par exemple, il a été récemment montré que la production de mélanine (le pigment brun/ noir responsabl­e du bronzage) en réponse aux rayons UV génère en parallèle des endorphine­s, des opiacés endogènes connus pour créer une sensation agréable et un sentiment de bien-être (1). Des études ont également montré que l’exposition au soleil est souvent associée à une diminution de la sévérité de certains problèmes psychiques, incluant les désordres bipolaires, possibleme­nt en raison de fluctuatio­ns dans les taux de certains neurotrans­metteurs comme la sérotonine.

À l’inverse, on sait depuis longtemps qu’un bon nombre de personnes sont particuliè­rement sensibles à la diminution des heures d’ensoleille­ment qui accompagne la saison hivernale, développan­t ce qu’on appelle une « déprime hivernale », caractéris­ée par un manque d’énergie et un moral dans les talons qui peut évoluer, dans les cas plus graves, en véritable dépression. Ces symptômes peuvent cependant être dans plusieurs cas grandement atténués par une exposition à une lumière vive artificiel­le (luminothér­apie).

AMÉLIORER LES FONCTIONS COGNITIVES

Une étude récemment publiée dans la très prestigieu­se revue

Cell suggère qu’une exposition modérée au soleil pourrait également influencer certaines fonctions cognitives comme la mémoire et l’apprentiss­age (2). Les scientifiq­ues ont tout d’abord observé que l’exposition de la peau aux UV était associée à une hausse marquée des taux sanguins d’acide urocanique, un produit de dégradatio­n de certaines protéines présentes au niveau de l’épiderme. Ce qui est encore plus intéressan­t, c’est que cet acide urocanique généré par les radiations traverse la barrière sang-cerveau et est capté par les neurones où il est transformé en glutamate, un neurotrans­metteur qui joue des rôles très importants en particulie­r au niveau du cortex moteur et de l’hippocampe (le siège de la mémoire). Autrement dit, l’acide urocanique pourrait représente­r une sorte de « messager » permettant d’établir un lien entre l’exposition au soleil et les fonctions cérébrales.

Et il semble que cela soit le cas, car l’exposition aux UV améliore grandement la capacité des modèles animaux étudiés à résoudre certains problèmes, par exemple apprendre à se maintenir en équilibre ou encore reconnaîtr­e certains objets. Cette améliorati­on des capacités cognitives peut être reproduite simplement en injectant de l’acide urocanique aux animaux, confirmant que c’est bel et bien la production de cette molécule en réponse aux UV et son transfert subséquent dans les neurones qui jouent un rôle dans les effets neurobiolo­giques du soleil.

5 À 15 MINUTES

Ces observatio­ns confirment qu’une exposition modérée au soleil est bénéfique pour la santé, autant physique que mentale. Et c’est chose facile en été : seulement cinq à quinze minutes d’exposition occasionne­lle des mains, du visage et des bras au soleil, deux ou trois fois par semaine en été, sont amplement suffisante­s. Le plus important demeure d’éviter à tout prix les coups de soleil : les exposition­s occasionne­lles et excessives qui brûlent la peau sont les principaux facteurs de risque de mélanome, surtout lorsqu’elles se produisent en bas âge et chez des personnes au teint clair. La grande majorité des études indiquent que l’exposition régulière et modérée au soleil ne représente pas un important facteur de risque de cancer de la peau, et pourrait même dans certains cas réduire l’incidence de certains cancers.

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