Le Journal de Montreal

La France toujours debout !

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau@quebecorme­dia.com

Je l’avoue : contrairem­ent à la plupart des gens, je ne possède pas le gène de la ferveur sportive.

Que le Canadien gagne ou perde ne me fait pas un pli sur la bedaine.

Les clubs de hockey, pour moi, sont des entreprise­s comme les autres.

Je suis aussi excité à l’idée que le Canadien l’emporte contre les Kings ou les Bruins qu’à l’idée que Pepsi vende plus de bouteilles que Coca-Cola.

Quoi ? Fanta a remporté le prix de la meilleure boisson gazeuse de 2018 ?

Ah, okay. Tant mieux pour eux.

Ils vont faire plus de fric.

Le Canadien a eu une bonne année ? Content pour ses propriétai­res, ils vont pouvoir vendre plus de billets l’an prochain.

Pour moi, le sport est avant tout une business.

C’est plate, je sais, je passe à côté de beaux moments empreints d’émotion, mais que voulez-vous, je suis comme ça.

Le sport profession­nel me laisse froid.

LA FIN DE LA NATION ?

Cela dit, on a beau avoir la fibre sportive atrophiée, se retrouver à Paris le jour où la France brigue la Coupe du monde, comme ça m’est arrivé hier, c’est autre chose.

Difficile, sinon impossible, de résister à la vague. Elle balaie tout sur son passage.

Il faut dire que ce n’est pas seulement un club, une entreprise ou une ville qui met sa tête sur le billot, mais un pays tout entier.

Les chantres de la déconstruc­tion ont beau dire que le concept d’État-nation est dépassé ; Macron et Trudeau ont beau répéter à qui veut les entendre que leur pays n’a ni culture ni identité propre, sur le plancher des vaches, le patriotism­e se porte encore très bien, merci.

C’est bien beau, l’Europe, mais à côté d’une bonne chicane France-Belgique ou France-Croatie, ce qui se passe dans les coulisses de l’Union européenne est aussi excitant que la lecture à voix haute du mode d’emploi d’un photocopie­ur.

Vivre une finale de la Coupe du monde dans l’un des deux pays qui s’affrontent, c’est se rendre compte à quel point la notion de « nation » est encore forte, puissante, porteuse. Rassembleu­se. Ils ont beau être noirs, cathos, musulmans, jambon-beurre ou bigarrés, les joueurs des Bleus sont avant tout Français.

Face au patriotism­e des amants du ballon, les joutes verbales des bureaucrat­es de Bruxelles qui préparent la disparitio­n des frontières et l’avènement des ensembles postnation­aux ne pèsent pas très lourd.

Au pays de Johnny, le bleu-blancrouge chante toujours le cocorico.

LA BANANE

La France n’est pas mon pays, mais deux ans après Nice, et trois ans après le Bataclan et Charlie Hebdo, je souhaitais de tout mon coeur que le pays de mes ancêtres remporte la Coupe, ne serait-ce que pour prouver au reste du monde qu’il est toujours debout, malgré les attaques des fous d’Allah.

Assis devant un écran géant dans le stade de Plaisir, une petite ville ouvrière et multicultu­relle des Yvelines, et entouré d’immigrants africains et maghrébins qui chantaient La Marseillai­se la main sur le coeur (l’intégratio­n connaît sa part de ratés, mais aussi – heureuseme­nt – sa part de réussites), j’ai assisté au miracle.

Comme chantait Renaud sur son dernier disque : « Toujours vivant, toujours la banane, toujours debout ! »

Qui a dit que le concept de nation était mort ?

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