Le Journal de Montreal

« Un voile seyant et coloré » – la juge Carole Bastien

- LISE RAVARY lise.ravary@quebecorme­dia.com

Même fleuri et coloré, le voile demeure une imposition théologiqu­e avec ses inquisiteu­rs et ses exécuteurs.

Dalila Awada, la jeune femme voilée que les Québécois ont connue lors d’un débat avec Djemila Benhabib à Tout le monde en parle au sujet de la Charte des valeurs, a gagné le procès en diffamatio­n qu’elle avait intenté au blogueur Philippe Magnan du site Poste de veille.

Ce dernier devra lui verser 60 000 $

Il est indéniable que monsieur Magnan avait dépassé les bornes dans ses attaques personnell­es contre Mlle Awada. Il avait même avoué à un de ses amis qu’il l’avait instrument­alisée et qu’elle n’était pas une islamiste.

Justice a été rendue, mais cette décision ne doit pas empêcher les médias d’exposer ceux et celles qui feraient la promotion de l’islam politique ici.

Évidemment, la question se pose : jusqu’où peut-on aller en ce sens ? Penser n’est pas un crime.

MANQUE DE NUANCE

Le jugement de la juge Carole Bastien de la Cour supérieure du Québec couvre 40 pages. Dès le début, on ressent un malaise. Elle écrit : « Le public fait la connaissan­ce d’une jeune femme brillante, articulée, d’une beauté remarquabl­e et portant avec élégance un voile seyant et coloré ».

Quand le féminisme classique défend l’idée que le hijab est une geôle psychologi­que pour les femmes, cette phrase étonne de la part d’une juge. Le voile est lourd de sens et controvers­é. Des Canadienne­s qui refusaient de le porter ont été assassinée­s. Même fleuri et coloré, il demeure une imposition théologiqu­e avec ses inquisiteu­rs et ses exécuteurs.

Le Tribunal devait décider si Philippe Magnan avait diffamé Dalila Awada et non pas enquêter sur les réseaux islamistes au Québec. Mais sans une connaissan­ce de ces mouvements et de leur détourneme­nt habituel de valeurs occidental­es — justice, liberté, égalité — comment un juge peut-il évaluer la preuve si cette dernière repose sur des allégation­s majoritair­ement improuvabl­es, mais pas nécessaire­ment fausses ?

La juge Bastien estime, par exemple, que le terme « islamiste » a une connotatio­n négative dans l’oeuvre de Magnan. Seulement ? Larousse définit ainsi islamiste : « Désigne, depuis les années 1970, un courant de l’islam faisant de la charia source unique du droit et du fonctionne­ment de la société dans l’objectif d’instaurer un État musulman régi par les religieux. »

VRAI OU FAUX ?

Ce qu’a insinué Philippe Magnan au sujet de Dalila Awada témoigne d’un manque de jugement grave. Mais les allégation­s au sujet des propagandi­stes de la charia et du voile, des mouvements pro-iraniens, de la Ligue islamique mondiale et de la cérémonie du voile pour des fillettes de neuf ans n’étaient pas toutes fausses pour autant.

De plus, quand Dalila Awada déclare en interrogat­oire ne « pas connaître le lien entre khomeinist­e et chiite », on peut en douter. C’est presque interchang­eable !

Mais là où l’on sursaute, c’est en lisant les propos du témoin expert, Paul Eid, prof de sociologie à l’UQAM, choisi par Dalila Awada.

Il croit, lit-on dans le jugement, que le contexte social québécois est « étroitemen­t lié à l’islamophob­ie », c’est-à-dire « un racisme anti-musulman ».

Allons-nous devoir intenter un recours collectif contre la diffamatio­n de tout le peuple québécois ?

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Dalila Awada
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