Le Journal de Montreal

Une langue de trop

- CLAUDE VILLENEUVE Directeur Opinions claude.villeneuve @quebecorme­dia.com @vclaude

On s’en doutait, mais on constate que, parmi les militants antiracist­es ayant réclamé l’annulation de la pièce SLAV, il se trouve une frange hostile au fait français.

Toutes les diversités ne sont pas bonnes, selon ces défenseurs d’un monde où nous devrions tous célébrer nos différence­s, pour autant que ce soit en anglais. En effet, le collectif SLAV-Resistance exigeait la semaine dernière que le seul État d’Amérique du Nord dont la langue officielle est le français traduise sa politique culturelle en anglais.

Quelques jours avant la controvers­e entourant la pièce, l’auteure Marilou Craft, qui critique sa création depuis longtemps, se trouvait sur les ondes de la Première Chaîne pour parler de cette politique. Elle déplorait que celleci priorise la production culturelle en français, laissant ainsi de côté les anglophone­s et les immigrants.

Comme s’il leur était interdit de s’approprier eux-mêmes cette langue. On les incite plutôt au contraire, en fait.

DES NUANCES

Pour certains, même les libéraux sont trop nationalis­tes, ce qui n’est quand même pas peu dire. On ne trouve manifestem­ent qu’une seule juridictio­n sur ce continent à faire la promotion du français, c’en est déjà une de trop.

C’est la nouvelle alliance qu’il faudra suivre, au cours des prochaines années. Celle qui unit les institutio­ns dominantes anglo-saxonnes aux guerriers de la justice sociale pour en finir une fois pour toutes avec cette minorité prétentieu­se qui souhaite vivre l’Amérique autrement. Le néo-colonialis­me appliqué à son meilleur.

Beaucoup de ces gens disent avoir choisi Montréal pour sa diversité, sa créativité et son ouverture d’esprit. Ça ne les pousse pourtant pas à s’intéresser à la culture québécoise d’expression française et à se rendre compte que s’il y a quelque chose de si spécial ici, c’est peut-être justement parce que nous sommes différents.

Ils ne savent pas trop quoi faire avec les Québécois, ceux-là. Cette majorité sur son territoire qui est aussi une infime minorité sur ce continent empêche de jouer à la guerre culturelle dans tout son manichéism­e. Ça force à des nuances, ce que les radicaux n’aiment pas.

BÂTIR DES SOLIDARITÉ­S

Les Canadiens français n’ont pas connu l’esclavage, mais ils ont vécu une exploitati­on qui porte toujours à conséquenc­e. En 2018, les Québécois sont moins diplômés, accèdent moins à la propriété et sont relativeme­nt moins riches que les autres Canadiens.

En outre, les tribunes canadienne­s-anglaises les plus prestigieu­ses continuent d’ouvrir leurs pages à des nostalgiqu­es des parades orangistes comme Martin Patriquin, qui aime bien vomir des faits alternatif­s sur le Québec. Les francophon­es forment la seule minorité dont on peut dire du mal sans que ça scandalise les élites.

Dans ce contexte, faut-il s’étonner qu’un député autochtone combatte le bilinguism­e, le présentant comme une institutio­n coloniale ? Certains préfèrent choisir leur oppresseur que de bâtir des solidarité­s avec ceux qui n’auraient pas été assez opprimés pour prétendre avoir des droits eux aussi.

Ce n’est pas d’hier qu’il y a une langue de trop dans ce pays où la diversité ne se vit qu’en anglais. Et, comme toujours, les opprimés suivent la partition écrite pour eux par cette logique anglo-saxonne qui a toujours su diviser pour mieux s’imposer.

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