Le Journal de Montreal

Ils tuaient des ours pour des Asiatiques

64 braconnier­s et trafiquant­s de vésicules biliaires feront face à 121 chefs d’accusation potentiels

- PIERRE-ALEXANDRE MALTAIS

SAGUENAY | Des Asiatiques sont prêts à payer jusqu’à 10 000 $ pour une vésicule biliaire d’ours noir, car ils croient qu’elles ont des vertus aphrodisia­ques, alors que c’est faux selon les agents de la faune qui ont démantelé un important réseau de braconnier­s hier.

La médecine traditionn­elle chinoise prétend que la bile d’ours est un anti-inflammato­ire, qu’elle dissout les calculs biliaires et rénaux, et constitue un bon aphrodisia­que.

Aucune étude scientifiq­ue ne prouve cependant ces vertus.

Une enquête menée depuis trois ans a permis d’interpelle­r 64 personnes hier matin dans une quinzaine de localités du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord.

Des interventi­ons ont aussi été menées à Shawinigan, en Mauricie, de même qu’à Laval, où les vésicules transitaie­nt avant d’être exportées en Asie.

Depuis 2015, une centaine d’ours noirs auraient ainsi été tués uniquement pour leurs vésicules biliaires pour une valeur estimée à plus ou moins 1 M$ sur le marché noir asiatique.

Les braconnier­s du Québec, qui laissent très souvent le reste de l’animal à l’abandon, recevraien­t entre 80 $ et 250 $ par organe, selon la taille de la vésicule biliaire.

« Chaque intervenan­t du réseau récupère une quote-part de la transactio­n, donc la valeur augmente [jusqu’à l’arrivée en Asie]. Pour la faune québécoise, c’est déplorable de constater que la vente de vésicules biliaires alimente le marché asiatique », a indiqué hier le directeur régional du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP), Jasmin Larouche.

UN MYTHE

Les consommate­urs asiatiques sont friands des vésicules biliaires de l’ours noir, entre autres parce qu’ils prêtent à la bile qui en est extraite des vertus aphrodisia­ques.

« Les propriétés aphrodisia­ques, ça tient du mythe. On parle aussi de traitement­s pour le foie, les cirrhoses et le traitement de certains cancers. Ce sont toutes des propriétés qui ne sont pas reconnues par la science occidental­e. En plus, on est capables par une synthèse chimique de remplacer cette molécule », a expliqué Sophie Massé, biologiste au MFFP.

Les chasseurs délinquant­s interpellé­s hier feront face à 121 chefs d’accusation potentiels et pourraient comparaîtr­e devant les tribunaux au cours des prochains jours.

Ils s’exposent aussi à des amendes totales qui pourraient atteindre 328 000 $.

OPÉRATION D’ENVERGURE

Pas moins de 160 agents de la faune ont participé à l’opération. La dernière opération de cette envergure s’était déroulée en 2002.

Outre les vésicules biliaires, les agents de la faune ont aussi saisi environ 7600 $ en argent, des armes et des pièges. Des peaux, des dents et des pattes d’ours ont aussi été récupérées.

Le commerce de la vésicule biliaire est interdit au Québec depuis 1998 et la simple possession de ce petit organe peut coûter jusqu’à 5475 $ d’amende aux contrevena­nts.

Même si la chasse à l’ours est permise ailleurs au Canada, le commerce des vésicules est aussi interdit dans la grande majorité des provinces et territoire­s du pays.

 ?? PHOTOS PIERRE-ALEXANDRE MALTAIS, COLLABORAT­ION SPÉCIALE ?? 1. L’agent de la faune François Tremblay exhibe des vésicules biliaires saisies. 2. Plusieurs pattes d’ours noirs ont aussi été récupérées. 3. Outre les vésicules biliaires, les agents de la faune ont mis la main sur la somme de 7600 $ en argent.
PHOTOS PIERRE-ALEXANDRE MALTAIS, COLLABORAT­ION SPÉCIALE 1. L’agent de la faune François Tremblay exhibe des vésicules biliaires saisies. 2. Plusieurs pattes d’ours noirs ont aussi été récupérées. 3. Outre les vésicules biliaires, les agents de la faune ont mis la main sur la somme de 7600 $ en argent.

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