Le Journal de Montreal

Mélanie Joly a-t-elle vraiment démérité ?

- GUY FOURNIER guy.fournier@quebecorme­dia.com

Ce n’est sûrement pas de gaité de coeur que Mélanie Joly quitte Patrimoine Canada pour le Tourisme, un ministère beaucoup plus discret que celui qu’elle occupait. Mélanie, qu’on dit très près du premier ministre Justin Trudeau, a-t-elle vraiment démérité ?

Qu’est-ce qui lui vaut de perdre ainsi son ministère ? Elle l’avait embrassé avec tant d’enthousias­me. Sans faire l’unanimité, sa grande politique culturelle annoncée en septembre avait rallié l’ensemble du milieu. La ministre n’a-t-elle pas voyagé aux quatre coins du monde à la recherche de moyens d’assurer l’avenir de notre industrie ?

Jamais un ministre du Patrimoine n’a comme elle forcé à ce point la main du Conseil du trésor. Le budget du Conseil des arts a doublé et celui de Radio-Canada s’est enrichi de 675 millions $ sur cinq ans. Le Fonds des médias a hérité de 172 millions sur cinq ans pour compenser le manque à gagner des distribute­urs et 125 millions $ sur cinq ans soutiendro­nt le rayonnemen­t de nos créateurs dans le monde.

QUELLES SONT LES PRIORITÉS ?

La refonte des lois sur la radiodiffu­sion et les télécommun­ications, la révision du mandat de Radio-Canada et celle de la loi sur le droit d’auteur sont enfin lancées. On pourrait reprocher à la ministre d’avoir allongé le processus en soumettant leur refonte à un comité d’experts. Toute nouvelle législatio­n est donc forcément reportée après l’élection de 2019, alors que la pression des géants du web fragilise un peu plus chaque jour notre industrie.

Ce changement inattendu de ministre à Patrimoine Canada semble indiquer que le gouverneme­nt ne fait pas de la refonte de ces lois une priorité. L’arrivée d’un nouveau ministre n’est pas de nature à l’accélérer. D’autant plus qu’on vient à peine de trouver une certaine cohésion dans la haute direction du ministère.

Il y a quatre jours, les libéraux d’Ahuntsic-Cartiervil­le ont renouvelé leur confiance en madame Joly pour la prochaine élection. C’est, je crois, la première candidatur­e officielle au pays. Elle démontre bien l’estime dans laquelle les électeurs tiennent leur députée.

RODRIGUEZ A DU PAIN SUR LA PLANCHE

Se pourrait-il que la récente volte-face de la ministre Joly sur la contributi­on éventuelle des distribute­urs de contenu en ligne, qu’ils soient canadiens ou étrangers, ait agacé le premier ministre ? Pour des raisons obscures, celui-ci fait une véritable obsession de ce qu’il est convenu d’appeler « la taxe Netflix », une appellatio­n qu’on doit à Stephen Harper.

Si c’est le cas, Pablo Rodriguez, nouveau ministre du Patrimoine, n’est pas sorti du bois. Dans son rapport Emboîter le pas au changement, le CRTC recommande aussi que tous les acteurs de l’industrie sans exception contribuen­t au financemen­t de la production et de la promotion du contenu canadien. Autant les artisans que les entreprise­s ont applaudi les conclusion­s du rapport. Si mon hypothèse est bonne, Pablo Rodriguez devra arriver à concilier les vues du premier ministre avec celles du milieu et du CRTC ? Aura-t-il, de plus, une vision plus précise que celle de Mélanie Joly sur la façon dont nos industries culturelle­s peuvent survivre dans cette ère où elles sont en concurrenc­e avec celles du monde entier ? Espérons-le. Quant à Mélanie Joly, elle aura toujours le mérite d’avoir porté sur la place publique les problèmes de nos industries culturelle­s et d’y avoir consacré toutes ses énergies. Sans doute avec plus de coeur que de sens politique.

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Mélanie Joly
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