À l’assaut du fleuve en planche à pagaie
Montréal est plus ou moins le berceau de la planche à pagaie au pays. L’innovation d’origine hawaïenne rapatriée par l’entreprise KSF en 2007 a depuis été déclinée en moult activités, charmant les sportifs. Après le SUP (Stand Up Paddleboard) yoga et ses dérivés, si on revenait à ses sources ? Initiation au surf avec pagaie dans la métropole.
Un peu plus loin, les rapides de Lachine grondent. S’étend devant nous le bassin La Prairie du fleuve Saint-Laurent. Et à nos pieds, une planche de bonne taille (11 pieds), mais rien de plus.
« Le fleuve est l’endroit idéal pour s’initier à la planche à pagaie en eau vive, explique Mathieu Lafrance, instructeur et coordonnateur à KSF et Espace NAVI. Il y a toujours beaucoup d’eau. »
Le débit moyen est de 10 000 mètres cubes par seconde, insistera-t-il, comme si cette information était en soi rassurante.
« Si on tombe, on n’a pas à se soucier d’entrer en contact avec des roches ou autres débris en profondeur, précise Mathieu Lafrance. C’est ça, le réel danger en paddle, si on ne connaît pas bien les plans d’eau. »
Quant au courant, l’autre bête à apprivoiser, mon guide est là pour me le présenter. Bien entendu, il n’est pas question d’aller rejoindre les rapides en amont. Plutôt, direction l’île Rock.
VOIR MONTRÉAL DE SA PLANCHE
Bien que mon expérience (unique) sur la planche date d’au moins trois ans, je me risque à sauter tout de suite à l’étape en eau vive afin de faire connaissance avec l’aspect plus sportif de cette activité nautique dont la popularité a pris des allures de raz-de-marée dans les cinq dernières années.
Après tout, tant qu’on possède un sens de l’équilibre pas trop handicapant et qu’on jouit d’une bonne forme physique, l’initiation à la planche à pagaie est plutôt aisée en eau calme. « C’est plus accessible que l’on croit », confirme Mathieu Lafrance.
Vrai que mon coup de pagaie n’est pas très efficace et que ma maîtrise de la gîte ou de celle du pivot n’est pas bien convaincante, mais j’avance, et l’appui stable de mes jambes me garde au sec.
« Aujourd’hui, il n’y a pas de vent, ça aide », dit mon instructeur. On progresse donc tranquillement vers l’île Rock dans une sortie plutôt contemplative où le centre-ville se donne en spectacle derrière nous.
L’attrait d’une séance de yoga ou d’un entraînement musculaire sur l’eau en SUP me semble évident. Un plein de nature, une vague de zénitude et un effort supplémentaire de proprioception, de maintien de la ceinture abdominale et d’équilibre en bonus… difficile de faire plus efficace ! Or, j’ai signé pour troquer le calme contre un peu plus de sensations fortes ce matin…
EN EAU VIVE
« Les trois mots clé sont l’angle, la vitesse et la gîte », fait remarquer Mathieu, alors qu’on arrive au courant entourant l’île Rock. Au sud, la profondeur n’est pas suffisante, rendant la pratique dangereuse. On attaquera ainsi le courant et ses vagues de sa portion nord-ouest.
« Là, il y a une petite vague stationnaire d’environ six pouces », pointe Mathieu avant de faire une démonstration. On est loin des murs de six pieds que les surfeurs en herbe attaquent dans l’océan, mais la puissance du courant demeure intimidante. Or, le pire qui peut arriver – et qui forcément arrivera, prévient mon instructeur – c’est que je tombe. Par chance, rien ne rendra la chute pénible ou douloureuse, et une fois à l’eau, il est plutôt aisé de remonter sur sa planche (contrairement au kayak, par exemple).
Je me répète les consignes de mon guide : attaquer le courant de façon parallèle, à bonne vitesse, en gîtant afin de lui présenter le dessous de ma planche d’abord. Eh bien ! Je suis entrée de façon trop timide dans le courant... et j’ai chuté. Je m’y suis présentée perpendiculairement... et j’ai chuté. Puis j’ai aussi tombé, et retombé, pour des raisons qui m’étaient tout à fait inconnues, et même qu’une fois je ne suis pas tombée, ce qui m’est apparu encore plus incompréhensible. Si j’ai surfé ? Pas une seconde, mais j’ai découvert le plaisir qu’on peut avoir à apprivoiser les remous du fleuve, une tentative à la fois.