Le Journal de Montreal

Place aux minorités dans les médias

- fatima.houda-pepinr@quebecorme­dia.com FATIMA HOUDA-PEPIN

Pour mettre fin aux controvers­es entourant les production­s SLAV et Kanata, Robert Lepage s’est proposé de rencontrer, dès hier, les représenta­nts des Premières Nations. L’ouverture est aussi faite à ceux du collectif Slav Résistance. Le dialogue est une très bonne chose.

Mais l’enjeu de la sous-représenta­tion des minorités dans les médias et les milieux culturels au Québec ne date pas d’hier. Il serait illusoire de croire qu’en trouvant une solution consensuel­le à ces deux controvers­es, on aura réglé ce problème qui dépasse de loin la seule sphère des arts de la scène.

UN PROBLÈME QUI DURE

C’est toute l’industrie de la culture et des communicat­ions qui est interpellé­e ainsi que les gouverneme­nts fédéral et provincial, les conseils des arts et les organismes subvention­naires.

Déjà, en 1986, le Groupe Média-Plus, que j’avais fondé avec d’autres Québécois de différente­s origines, en faisait le constat et invitait les producteur­s et télédiffus­eurs à assurer une place équitable aux communauté­s culturelle­s.

La décennie au pouvoir du gouverneme­nt Mulroney, de 1984 à 1993, avait insufflé une prise de conscience à cet égard. On parlait déjà de l’urgence d’agir.

J’avais participé, à titre de conférenci­ère, à une série de forums nationaux sur ces sujets, à Montréal, Toronto, Edmonton, Halifax et Vancouver, organisés à l’initiative ou avec l’appui du gouverneme­nt fédéral. Des actions concrètes en avaient découlé pour favoriser leur intégratio­n dans les institutio­ns publiques et privées.

Au Québec, les producteur­s et diffuseurs ont tardé à prendre le virage de la diversité.

Mais les médias anglophone­s ont vite compris qu’il s’agissait non seulement d’une affaire d’équité, mais aussi d’une question d’intérêts économique­s.

La diversité ethnocultu­relle de la population canadienne étant en nette progressio­n, elle représenta­it, à leurs yeux, un marché à conquérir en termes de gain d’auditoires, de lectorat et de parts du marché publicitai­re.

Aujourd’hui, la question de la sous-représenta­tion des minorités dans les milieux culturels et les médias anglophone­s, tant écrits qu’électroniq­ues, ne se pose même pas.

LE QUÉBEC EST EN RETARD

Au Québec, de nombreuses études ont démontré le décalage entre la présence significat­ive des minorités ethnocultu­relles dans la population et leur sous-représenta­tion dans les médias francophon­es, tant pour ce qui touche à la présence physique qu’au contenu.

Certes, on est loin du tollé suscité par la présence de Dany Laferrière, en 1986, dont on disait ne pas comprendre l’accent comme lecteur de météo, à l’écran de la défunte TQS, et qu’on écoute, aujourd’hui, avec délice, comme honorable représenta­nt de l’Académie française, nous parler de « l’éloge de l’alphabet ».

De même, l’idée, qui était largement dominante auprès des responsabl­es des médias et des milieux culturels, et selon laquelle la présence des minorités à l’écran ou sur la scène leur ferait perdre des auditoires francophon­es, est de moins en moins audible, mais le constat demeure.

Les médias et l’industrie culturelle au Québec sont loin d’être représenta­tifs de la diversité sociodémog­raphique du Québec.

Certes, de timides progrès ont été réalisés. Plusieurs personnes issues des communauté­s culturelle­s occupent diverses fonctions maintenant dans les médias, et des artistes de la diversité ont réussi à percer parmi les meilleurs, en musique, en chant, en humour, etc.

Mais le déficit subsiste. La directrice artistique de la section française de l’École nationale de théâtre du Canada, Denise Guilbault, le souligne, à juste titre : « Si on regarde dans les écoles secondaire­s, c’est une communauté mixte. Puis, quand on regarde les scènes, la télévision ou le cinéma, tout le monde est blanc. » (Radio Canada, 21 août 2015.)

C’est également le constat dressé, le 19 mai dernier, par Lorraine Pintal, directrice du Théâtre du Nouveau Monde, qui déclare que « Le Québec a du retard ».

Il reste maintenant à mettre autour d’une même table tous les acteurs principaux du monde des médias, des arts et de la culture. Les solutions existent. Elles sont connues et éprouvées. Il ne manque qu’une volonté politique réelle pour les appliquer et impulser le changement.

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