Le Journal de Montreal

Ottawa doit s’excuser pour la « rafle des bébés », dit le Sénat

Quelque 600 000 enfants « illégitime­s » arrachés à leur mère de 1945 à 1971

- MAXIME HUARD

OTTAWA | Le gouverneme­nt fédéral doit s’excuser pour son rôle dans les adoptions forcées de centaines de milliers d’enfants au Canada après la Deuxième Guerre mondiale, réclame un rapport sénatorial déposé hier.

De 1945 à 1971, environ 600 000 enfants au pays ont été arrachés des bras de leur mère simplement parce qu’elle était célibatair­e. Ces bébés, enregistré­s comme « naissances illégitime­s », étaient ensuite placés en adoption dans des familles « traditionn­elles ».

Selon le rapport intitulé Honte à nous, le gouverneme­nt canadien a financé des foyers de maternité où les mères célibatair­es allaient accoucher en secret. Jusqu’à 95 % des femmes hébergées dans ces foyers devaient abandonner leur enfant, note le document.

« DÉBUT D’UNE POSSIBLE GUÉRISON »

Des excuses du Canada pour la « rafle des bébés » représente­raient le « début d’une possible guérison » pour les victimes, a soutenu en conférence de presse la sénatrice Chantal Petitclerc, lors de la présentati­on du rapport du comité des affaires sociales.

Jusqu’à 400 000 mères pourraient s’être fait retirer un enfant, mais en raison du secret qui entourait la pratique et de la difficulté d’accéder aux archives, il est presque impossible d’établir un nombre précis de victimes.

« Nous espérons que des excuses nationales [...] permettron­t de faire savoir à nos enfants qu’ils étaient aimés et désirés, et qu’ils n’ont pas été abandonnés volontaire­ment », a ajouté Valerie Andrews, directrice générale de l’organisme Origins Canada.

Survivante de la « rafle des bébés », Mme Andrews s’est fait retirer son enfant en 1969. Quand elle a revu son fils, il était âgé de 31 ans.

Les mères ont laissé aller leurs enfants sous les menaces, l’intimidati­on et la contrainte physique, a-t-elle confié, parlant de pratiques « brutales et inhumaines ».

Elle s’est dite déçue que plusieurs institutio­ns religieuse­s, dont les Églises catholique et anglicane, n’aient pas participé en mars aux audiences du comité, bien qu’elles aient géré plus d’une soixantain­e de foyers.

AUTRES RECOMMANDA­TIONS

Le rapport du comité demande également des services de soutien psychologi­que pour les victimes, ainsi que la mise en place d’une politique commune au pays, à travers les provinces et les territoire­s, pour faciliter l’accès aux dossiers d’adoption.

Aucune compensati­on financière n’est demandée dans le rapport pour les dommages subis par les familles, une revendicat­ion qui n’était pas prioritair­e pour les témoins entendus en comité, d’après la sénatrice Petitclerc.

Reconnaiss­ant que la rafle des bébés a laissé « un héritage d’amertume et de souffrance », le gouverneme­nt compte prendre le temps d’étudier le rapport avant d’y répondre, a fait savoir Michael Brewster, porte-parole du ministre de la Famille, Jean-Yves Duclos.

En mars 2013, le gouverneme­nt australien a présenté des excuses officielle­s aux victimes de pratiques d’adoption similaires durant la période d’après-guerre.

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PHOTO AGENCE QMI, MAXIME HUARD Valerie Andrews, DG d’Origins Canada, s’est fait retirer son enfant en 1969.

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