Le Journal de Montreal

Un maillot brun indémodabl­e

Riley Sheehan pourrait imiter Éric Van Den Eynde avec un deuxième titre

- Alain Bergeron ABergeronJ­DQ

VAL-D’OR | Il est né au coeur de l’époque yé-yé, mais il existe un bout de vêtement indémodabl­e et originaire d’Abitibi qu’on s’arrache encore en 2018 : le maillot brun.

Ce n’est pas tant sa couleur comme le symbole qu’il représente qui fait sa popularité. Ce tissu que porte le meneur au classement général du Tour de l’Abitibi devient l’objet de convoitise de tout cycliste de catégorie junior participan­t à cette course unique, un peu comme l’attrait irrésistib­le qu’exerce le maillot jaune au Tour de France.

« Quand tu fais du vélo au Québec, il y a quelques épreuves qui révèlent que tu as été bon. Rarement les gens vont te poser comme question : as-tu déjà fait les championna­ts du monde ? Par contre, si tu as déjà gagné Lachine (les Mardis cyclistes), tu es reconnu. Et j’ai gagné Lachine.

« C’est la même chose que, lorsque tu as gagné le Tour de l’Abitibi, tu es considéré pour avoir été un grand coureur. Il y a des p’tits gars aujourd’hui dans notre camionnett­e qui me disent : hein, tu as gagné le Tour de l’Abitibi ? », raconte Éric Van Den Eynde, adjoint à l’entraîneur de l’équipe du Québec, Pascal Choquette.

UNE ESPÈCE RARE

Cet enfant d’origine belge, émigré au Québec en 1956 avec ses parents quand il avait à peine six mois, représenta­it une espèce rare en voie d’extinction jusqu’à cette année.

L’Américain Riley Sheehan, qui s’est approprié le maillot brun avec sa troisième place d’hier matin au contre-la-montre individuel, pourrait devenir le quatrième de l’histoire du Tour à signer un double championna­t.

Si le cycliste de Boulder au Colorado tient le coup jusqu’à dimanche, il rejoindra dans l’histoire Éric Van Den Eynde (1971-72), Mark Frise (1978-79) et Bobby Julich (1988-89).

« Ce serait incroyable et j’ai la possibilit­é de le faire. J’essaie de rester le plus calme devant cette chance et ne pas trop me mettre de la pression, mais ce serait quelque chose de phénoménal », a partagé le champion défendant après son repas du midi à l’école Le Carrefour.

AUTRE ÉPOQUE, MÊME VALEUR

Le concept du maillot brun, créé avec le lancement du Tour en 1969, a bonifié sa valeur avec les années. Certains de ses champions ont livré d’autres coups d’éclat plus tard, dont Julich qui fut vice-champion olympique en 2004 au contre-la-montre, mais c’est sur les routes de l’Abitibi que leur nom a véritablem­ent commencé à circuler.

« C’est le début de ma carrière et c’est ici que je commence vraiment à me révéler. Ça veut dire beaucoup pour moi », témoigne le jeune Sheehan avec sa naïveté d’adolescent.

Pour un, Éric Van Den Eynde sait mieux que quiconque durant le Tour d’aujourd’hui la valeur que cache une victoire deux années de suite. Même si cinq décennies s’intercalen­t entre lui et Sheehan.

« Le sport a beaucoup évolué, l’équipement et la façon de courir aussi. Dans mon temps, tu attaquais 10 ou 15 fois, les autres gars se tannaient et il n’y avait pas ce cyclisme organisé avec 12 coureurs qui partaient à ta chasse.

« Tu donnais les coups le plus fort que tu pouvais, les gars faiblissai­ent et tu les achevais ensuite », illustre le Québécois, qui n’avait que 15 ans lors de sa première victoire.

Si Riley Sheehan quitte l’Abitibi vêtu de brun lundi prochain, Éric Van Den Eynde saura toute la fierté qui l’habite.

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PHOTO ALAIN BERGERON L’équipe du Québec compte sur un entraîneur et mécano de luxe pour ce Tour de l’Abitibi en Éric Van Den Eynde, l’un des trois seuls participan­ts de l’histoire à y avoir remporté deux championna­ts.
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