À la découverte de Sylvain Tesson
Nos existences modernes sont confortables, souvent même ouatées. Le prix à payer pour cela, c’est qu’elles sont formatées et programmées. Boulot, famille, loisirs, et ainsi de suite. La vie se passe sans trop souffrir, et sans trop de surprises.
On ne s’en désolera pas. Qui maudira vraiment la vie protégée, qui fait de notre civilisation, malgré ses mille défauts, la plus douce de l’histoire humaine ?
AVENTURE
Et pourtant, à chaque époque, depuis l’origine du monde et jusqu’à la fin des temps, certains individus sont hostiles à cette vie rangée. Ils rêvent de grands espaces, de grands exploits, de défis qui les arrachent à l’ordinaire des choses. Ce sont des aventuriers. À l’occasion, ces aventuriers sont aussi écrivains. C’était le cas, au vingtième siècle, d’un Joseph Kessel. C’est le cas aujourd’hui de Sylvain Tesson.
Tesson est une figure à part de la littérature française. Son oeuvre est essentiellement faite du récit de ses aventures, qu’il mêle à des réflexions globales sur l’existence, à partir d’une sensibilité qui froissera les coquets et les délicats qui commandent aujourd’hui la vie publique. On ne sent pas chez lui un amour immodéré du monde moderne.
À sa manière, c’est un philosophe, comme on le découvrira en lisant son plus récent livre qu’il vient de consacrer à L’Iliade et L’Odyssée, Un été avec Homère.
Sylvain Tesson est du genre à s’enfermer six mois dans une cabane en Sibérie pour redécouvrir le silence et la vie intérieure. On y trouve une méditation lumineuse en creux, sur notre existence agitée, minutée. C’est Dans les forêts de Sibérie.
C’est aussi le genre à refaire la célèbre déroute de la Bérézina en moto, comme s’il voulait revivre cette expérience historique éprouvante. C’est Berezina.
Blessé après une terrible chute, il se refera une santé en marchant la France par ses chemins les plus improbables. Il découvrira son pays par ses chemins oubliés et inattendus. C’est le livre Sur les chemins noirs.
Je me suis contenté, ici, d’évoquer ses plus récents livres. Ce qui frappe, en le lisant, c’est un désir absolu de liberté. Tesson ne tolère pas la vie formatée, non plus que la pensée correcte, qui nous oblige à tous réciter un hymne à l’hypermodernité. Et paradoxalement, ce grand voyageur célèbre dans son oeuvre l’enracinement. Car en se promenant à travers le monde, Tesson ne veut pas voir partout la même reproduction plus ou moins réussie de la civilisation américaine.
LIBERTÉ
Souvent, à mes amis que je soupçonne de trouver la vie occidentale moderne un peu terne, j’offre un livre de Tesson, persuadé qu’ils entendront en tournant les pages un appel à la liberté qui, tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre, changera leur vie.
Car telle est la fonction de la littérature, n’est-ce pas ? Elle ne fait pas que raconter des histoires. Elle transpose notre existence dans un autre univers, avant de la transfigurer intimement. Elle nous raconte une autre vie possible, et il s’avère souvent que cela pourrait être la nôtre.