La renaissance de la camionnette intermédiaire
La camionnette fait partie du paysage nord-américain depuis plus d’un siècle. Comme n’importe quoi, elle a su évoluer au fil du temps, étant aujourd’hui un modèle de technologie et offrant des capacités qui auraient été impensables il y a tout juste 10 ou 15 ans.
La grande révolution de la camionnette est toutefois survenue le jour où les marques japonaises ont choisi d’emboîter le pas, en proposant des modèles ultracompacts et abordables. Et il faut remonter au milieu des années 60 pour se remémorer cette époque, soit au moment où Datsun et Toyota ont introduit chez nous leur modèle respectif.
Le succès des camionnettes Toyota Stout et Hilux, Datsun 520 et 620 et Mazda de Série B a donc eu pour effet de faire réagir les constructeurs nord-américains, voyant ces modèles se multiplier sur nos routes. Conséquemment, Ford s’est rapidement associé à Mazda pour créer la Ford Courier (clone de la Série B) alors que Chevrolet allait cloner sa Chevy Luv à partir des bases de la camionnette Isuzu.
En 1982, Ford et GM choisissaient cependant de battre de leurs propres ailes en lançant simultanément les camionnettes Ranger et S-10/S-15. Puis, cinq ans plus tard, Chrysler introduisait l’intermédiaire Dodge Dakota, venant accompagner la compacte Ram 50, clonée à partir de la Mitsubishi Mighty Max. Le message était donc clair, il n’était plus question pour les Américains de laisser ce marché aux constructeurs nippons.
30 ANS PLUS TARD
En constante progression, les ventes de camionnettes compactes et intermédiaires commençaient toutefois à fléchir au milieu des années 2000, notamment en raison du prix de l’essence qui affectait tout véhicule un tant soit peu énergivore.
Or, c’est véritablement la crise de l’automobile de 2009 qui a eu raison de ce segment, que plusieurs allaient subitement abandonner. Les modèles Dakota, Ranger et Série B allaient donc disparaître en 2011, suivis de près par les Colorado/Canyon de GM. Cela laissait ainsi le champ libre à Nissan et Toyota qui sont toujours demeurés fidèles au poste, Toyota allant même jusqu’à créer en 2005 un modèle Tacoma spécifique au marché nord-américain.
Cette stratégie a d’ailleurs porté ses fruits, puisqu’encore aujourd’hui, la camionnette Tacoma est la plus vendue en Amérique du Nord. La firme japonaise en écoulait à preuve près de 200 000 aux États-Unis l’an dernier, et un peu plus de 12 000 au Canada. Et même si les ventes de ce modèle ont connu quelques creux de vague ces dernières années, Toyota a prouvé que ce marché n’était pas mort. Qui allait donc réagir ou répliquer à la domination du marché par Toyota ?
UNE PREMIÈRE RELANCE SIGNÉE GM
C’est GM qui, après seulement trois ans d’abandon, revenait à la charge en relançant son duo Colorado/Canyon. Et cette fois, c’était du sérieux. Le format était évidemment plus imposant que celui de sa devancière, question de se mettre au niveau de sa rivale chez Toyota. Et clairement, cette stratégie a porté ses fruits, puisque moins d’un an après le début de la production, GM ajoutait un troisième quart de travail à son usine de Wentzville, au Missouri.
Pendant ce temps, Ford et FCA continuaient d’affirmer qu’il valait mieux se concentrer sur la camionnette pleine grandeur, plus lucrative. En entrevue au Salon de Detroit en 2015, Reid Bigland (chef de la direction de FCA Canada) m’affirmait même que la camionnette Dakota était morte et enterrée, soulignant tout de même qu’elle avait été très viable dans le passé.
Hélas, M. Bigland aurait dû savoir qu’il ne faut jamais dire jamais, puisqu’en réaction au succès des camionnettes intermédiaires de GM, FCA a récemment annoncé le retour de non pas une, mais plutôt deux camionnettes intermédiaires. D’abord, Jeep relancera la camionnette Scrambler, dérivée du Wrangler. N’ayant été commercialisée que sur une courte période au début des années 80, la Scrambler moderne devrait assurément connaître un bon succès, surtout si l’on se fie à celui du Wrangler. Puis, on relancera aussi la camionnette Dakota (le nom n’est pas encore confirmé, sauf que…), laquelle visera directement l’acheteur des Tacoma, Colorado/Canyon et Nissan Frontier.
L’intermédiaire de la famille Ram, qui devrait débarquer quelque part en 2020, se mesurera aussi à la nouvelle Ranger, qui effectue également un retour. Présentée lors du dernier Salon de Detroit, celle-ci revient sous une formule qui s’apparente à celle de la compétition. Inutile de vous dire qu’on nous ne la vendra pas à 14 999 $, comme c’était le cas en 2011.
C’EST TOUT ?
Bien sûr que non. D’autres constructeurs ont aussi compris que ce marché était en pleine effervescence et qu’il fallait profiter du moment. Attendez-vous ainsi à ce que Hyundai débarque avec une nouvelle camionnette qui serait baptisée Santa Cruz, laquelle devrait vraisemblablement faire appel à une architecture de type monocoque, à la façon du Honda Ridgeline. Volkswagen pourrait également emboîter le pas, comme l’a démontré la présentation du concept Atlas Tanoak, lors du dernier Salon de New York. Contrairement à Hyundai, Volkswagen n’a pas confirmé la production prochaine d’une camionnette destinée au marché nord-américain, mais il est clair que le constructeur pourrait nous surprendre rapidement.
En terminant, il est évident que Nissan est sur le point de renouveler sa camionnette Frontier, laquelle est inchangée depuis 2005. Cela dit, les ventes de ce modèle vont encore très bien, signe que le retour des modèles Colorado/ Canyon a eu pour effet de stimuler le marché. Nissan peut aussi se vanter d’offrir actuellement la camionnette la plus abordable du marché, ce qui, pour plusieurs, demeure un fort argument.
Alors non, la camionnette intermédiaire n’est pas morte, au contraire. Au cours des prochaines années, il ne serait d’ailleurs pas surprenant de voir fléchir les ventes de modèles pleine grandeur (justement peut-être rendus trop gros) au profit de ceux-ci.
Ce sont évidemment les consommateurs qui auront le dernier mot, mais il sera intéressant de voir évoluer ce marché au cours des 24 prochains mois. D’ici là, inutile de vous dire que GM et Toyota profitent toujours du momentum…