1300 CANADIENS SONT EMPRISONNÉS À L’ÉTRANGER
Certains torturés et privés de l’aide d’Ottawa
Pas moins de 1333 Canadiens sont actuellement emprisonnés à l’étranger, parfois torturés et privés de tout secours des autorités canadiennes, d’après les plus récents chiffres d’Affaires mondiales Canada obtenus par Le Journal.
Le Journal a obtenu ces données en questionnant le ministère responsable des services consulaires au sujet de Toufik Benhamiche, un Québécois menacé de prison à Cuba et qui tente d’obtenir l’aide d’Ottawa.
Ces chiffres révèlent que la plupart des Canadiens emprisonnés à l’extérieur du pays le sont aux États-Unis. Beaucoup ont été jugés et inculpés pour des crimes à la suite de procès justes et équitables.
C’est le cas de Mélina Roberge et Isabelle Lagacé, deux Québécoises condamnées en Australie en février après avoir plaidé coupables à des accusations de trafic de cocaïne.
Mais l’histoire de Mohammed Al-Attar, arrêté en Égypte en 2007, n’a rien d’une croisière de luxe, comme celle que se sont offerte les deux trafiquantes.
Alors qu’il rendait visite à sa famille au Caire, le Torontois a été arrêté et accusé d’espionnage pour le compte d’Israël en sol canadien.
SÉDUIT PAR SATAN
Israël a nié en bloc les accusations, soulignant que le procès n’était « pas basé sur des faits ».
Mais la justice égyptienne a déclaré que l’homme avait été « séduit par Satan » et avait « vendu son pays au diable », rapportait Reuters le jour du procès.
Mohammed Al-Attar a été condamné à 15 ans de prison sur la base d’aveux qui auraient été obtenus sous la torture, une violation grave des droits de l’homme, selon le droit international.
« Mohammed Al-Attar a été forcé de boire son urine, il a été battu, électrocuté et pendu tête en bas avant de confesser ses supposés crimes », relate Majed El-Shadie, de One Free World International, une organisation de défense des droits de la personne basée à Toronto.
M. El-Shadie a lui-même été emprisonné, torturé et condamné à mort en Égypte. Il doit sa survie aux NationsUnies, qui l’ont aidé à obtenir le statut de réfugié au Canada en 2002, après qu’il a réussi à s’échapper seul de prison.
DISCRIMINÉ
Son organisation réclame depuis des années l’intervention d’Ottawa pour sauver M. Al-Attar des geôles égyptiennes, en vain.
« Si la personne est une bonne Canadienne anglaise ou française, qui s’appelle Tremblay ou Martin, on agit rapidement », dénonce Anne Sainte-Marie, d’Amnistie internationale Canada.
« Mais dans les autres cas, Ottawa ignore que dans certains pays on a recours à la peine de mort pour se débarrasser des indésirables, ou à la torture pour arracher des aveux », dénonce-t-elle.
PEUT MIEUX FAIRE
Amnistie internationale appelle Ottawa à accorder avec célérité un soutien égal à tous les Canadiens, quel que soit leur origine ou le pays dans lequel ils sont en difficulté.
En mai, le Vérificateur général du Canada a souligné que « le niveau d’assistance consulaire variait d’un cas à l’autre ».
Il a également noté que dans le cas de mauvais traitements ou de torture, « il avait fallu aux fonctionnaires du Ministère entre un et six mois pour évaluer officiellement le bien-fondé des allégations ».
« Quand vous êtes derrière les barreaux, c’est une éternité », souligne Mme Sainte-Marie.