La mère de la victime pardonne
Détruites par le drame qui a secoué leurs familles il y a deux ans, la mère du coupable Audrey Lavoie et celle de la victime, Natalie Thivierge, se serrent les coudes pour surmonter la douleur.
QUÉBEC | En septembre 2016, Clovis Fournier causait la mort de son meilleur ami Émil Bouchard après une embardée alors qu’il était intoxiqué par l’alcool. Deux ans plus tard, les mères des « deux frères » sont unies derrière l’accusé pour qu’il « continue à avancer ».
« Dans ma tête, c’est clair et net que Clovis n’a pas tué Émil », tranche la mère de la victime, Natalie Thivierge.
« Natalie m’a appelée le lendemain pour me dire “on n’en veut pas à Clovis. On est avec vous” », ajoute la mère de Clovis, Audrey Lavoie, en regardant Natalie lors d’une rencontre touchante entre deux mères meurtries.
Amis depuis le primaire, Émil Bouchard et Clovis Fournier avaient décidé en septembre 2016 de faire du camping à Tadoussac. Après s’être installés, les deux amis de 18 et 19 ans s’étaient rendus dans un restaurant où ils avaient beaucoup bu.
SORTIE DE ROUTE
Vers minuit, alors qu’il pleuvait, l’accusé a pris le volant de la voiture de la victime pour retourner au campement. Clovis Fournier a alors fait une sortie de route dans une courbe, percutant un poteau électrique alors qu’il avait un taux d’alcoolémie de .148, soit presque le double de la limite permise.
Émil, qui n’était pas attaché, a été éjecté du véhicule. Devant l’évidence, Clovis Fournier a collaboré avant d’être accusé de conduite avec les facultés affaiblies causant la mort de son meilleur ami.
Sollicitée par Le Journal, la mère d’Émil Bouchard a accepté de raconter pourquoi elle n’a jamais entretenu de haine envers le responsable du décès de son fils, en ayant près d’elle la mère de l’accusé, Audrey Lavoie.
PEINE CLÉMENTE
Ainsi, dès l’annonce de la mort d’Émil, faite par les policiers venus cogner à sa porte tôt le matin, Natalie Thivierge s’est informée de l’état de Clovis.
« Dans les minutes qui ont suivi, tout de suite, on s’est dit : “comment qu’il va, Clovis?” » raconte Natalie, qui a appelé les parents de l’accusé.
« Imagine un poids de 200 livres sur tes épaules qui s’effondre, poursuit la mère de Clovis. On était extrêmement soulagé qu’ils ne nous en veuillent pas. On a eu envie et besoin d’être avec eux pour toutes les démarches ».
Une fois l’accusé libéré sous conditions, Clovis et Audrey sont venus réconforter la mère de la victime.
« Ce n’est pas rationnel, c’est des émotions. On pleurait pour Émil, on pleurait pour Clovis », indique Natalie.
Cette collaboration extraordinaire s’est poursuivie lors des différentes étapes judiciaires lorsque la famille de la victime a fait des plaidoyers en faveur de l’accusé.
Clovis Fournier a ainsi eu une peine provinciale de 23 mois de prison. Une peine beaucoup plus clémente que celle du Beauceron Tommy Lacasse, cité dans le procès de Clovis Fournier et condamné à six ans et demi de détention pour la mort de deux jeunes filles alors qu’il était au volant en état d’ébriété en juin 2011.
L’appui de la famille de la victime a donc eu un impact sur la sentence de Clovis.
« Moi, je dis que sa peine, il va la purger toute sa vie et je ne vois vraiment pas qu’est-ce qu’il irait apprendre de plus en prison », croit la mère d’Émil.
AVEC SÉRIEUX
La mère du condamné ajoute, quant à elle, que son fils prend très au sérieux les conséquences de cette grave erreur.
« Le discours que Clovis tient, c’est “j’ai pris une mauvaise décision et je l’assume”. Il n’est pas dans le déni », assure Mme Lavoie.
Nathalie, qui s’est vu refuser une visite au centre de détention de Baie-Comeau pour voir le détenu, veut maintenant que Clovis « continue à avancer, à se développer et à s’émanciper ». « C’est un jeune qui ne veut pas s’asseoir sur ses deux fesses quand il va sortir », poursuit sa mère Audrey.
Alors que ce drame avait tous les ingrédients pour détruire, il a plutôt uni deux familles autour d’une personne, Clovis.
« C’est un bout de mon fils », assure la mère d’Émil. « Ç’a tissé quelque chose qui ne va pas disparaître », est convaincue Audrey.