Le Journal de Montreal

Un Québécois coincé à Cuba

- ANNE CAROLINE DESPLANQUE­S

Après une semaine dans un tout-inclus qui a tourné au drame, une famille de Mascouche reproche à Ottawa de l’abandonner aux mains de la justice cubaine.

« Ça me met dans un état de frustratio­n épouvantab­le quand ils disent qu’ils prodiguent du soutien ; c’est faux », souffle Kahina Bensaadi, la voix brisée.

Mère de deux fillettes de 5 et 7 ans, elle est contrainte de les élever seule depuis que son conjoint Toufik Benhamiche, ingénieur à la Ville de Laval, est coincé à La Havane, sous le coup d’une accusation d’« homicide par imprudence », un chef d’accusation qui n’existe pas au Canada.

Pour l’avocat du couple à Montréal, Julius Grey, M. Benhamiche est victime d’une détention « illégale et arbitraire », contraire à la Charte canadienne des droits et libertés.

CAUCHEMAR À CAYO COCO

Me Grey a adressé une mise en demeure à la ministre des Affaires étrangères, Krystia Freeland, la sommant de tout faire pour rapatrier son client d’ici le 17 juillet.

Mais « on n’a absolument rien eu de la part de la ministre », dénonce le député bloquiste de Montcalm, Luc Thériault.

La vie des Benhamiche-Bensaadi a basculé le 7 juillet 2017. Le dernier jour de leur semaine de vacances à Cayo Coco, ils ont quitté leur hôtel tôt le matin pour une excursion en hors-bord.

Après une brève explicatio­n théorique en anglais, la famille de quatre a été placée seule à bord d’une embarcatio­n prévue pour deux personnes. M. Benhamiche a pris le volant.

Rapidement, il a perdu le contrôle de l’embarcatio­n qui a percuté un bateau encore à quai, tuant une touriste ontarienne, Jennifer Ann Marie Innis.

Six mois plus tard, le père de famille a été condamné à quatre ans d’emprisonne­ment.

CONDAMNATI­ON RÉVOQUÉE

La Cour suprême cubaine a néanmoins révoqué la condamnati­on en juin et ordonné une nouvelle enquête. Le jugement, consulté par Le Journal, signale de nombreuses failles dans l’enquête et souligne que la « responsabi­lité d’autres personnes » a été ignorée.

Mais en attendant une nouvelle enquête, ce qui pourrait prendre jusqu’à deux ans, les autorités cubaines refusent de laisser le Québécois quitter l’île.

« Au Canada, une détention pour enquête, ça ne dure pas plus de 24 heures », s’emporte le député Thériault. Selon lui, « la seule issue à ce dossier est diplomatiq­ue » et est donc entre les mains de la ministre Freeland.

Interpellé par Le Journal, son ministère s’est fait évasif : « Les responsabl­es consulaire­s à La Havane sont en contact avec les autorités locales afin d’obtenir plus d’informatio­ns sur le statut de cette affaire », a répondu la porte-parole, Krista Humick.

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PHOTO D’ARCHIVES Toufik Benhamiche à La Havane avant que tout bascule en juillet 2017.

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