Le Journal de Montreal

Balconvill­e

- LISE RAVARY Blogueuse au Journal lise.ravary@quebecorme­dia.com @liseravary

À chaque rentrée scolaire, les bonnes soeurs nous demandaien­t de rédiger une compositio­n sur le thème de « Ce que j’ai fait pendant mes vacances d’été ».

Un cauchemar annuel pour moi. Enfant, la notion de « faire » quelque chose de spécial entre le 24 juin et le 1er septembre m’était étrangère. L’été, nous avions chaud, nous portions des shorts et des gougounes, nous mangions des Popsicle et des Revel et nous allions jouer dehors, veux, veux pas. Et c’est tout.

SAINT-DONAT

Mes parents possédaien­t un petit cottage blanc devant le petit lac Blanc à Saint-Donat qu’ils ont vendu quand j’avais 8 ans. Je m’y ennuyais comme les pierres. Il n’y avait que trois autres chalets autour du lac et aucun autre enfant de mon âge.

Par contre, nous recevions la visite régulière de familles d’ours noirs.

Il y a une limite aux Crayola que l’on peut user pour se désennuyer les jours de pluie et un maximum de châteaux de sable à ériger quand il fait beau et qu’on est seule. Pire, au début des années soixante, la télé et la radio « n’entraient pas » à Saint-Donat. Dieu merci pour la comtesse de Ségur.

Ce que je donnerais aujourd’hui pour revoir cette mignonne maison aux pignons verts rasée pour construire des condos anonymes attenants au mont Garceau ; revoir le sapin que j’ai planté devant la maison en 1963 ; traverser le lac en chaloupe à rames pour aller déguster un crème soda Snow White avec une Cherry Blossom au snack-bar sur pilotis d’en face. Ça y est, je glisse vers mes souvenirs.

Plus je vieillis, plus ils sont envahissan­ts.

Après la vente du chalet, les vacances d’été se passaient en ville. Sur le ciment et sur l’asphalte d’Hochelaga-Maisonneuv­e, entre les rues Orléans et le boulevard Pie IX, Sherbrooke et Notre-Dame, mais surtout dans des ruelles plus sales et transversa­les que les rues de George Dor.

Je savais que certains enfants fréquentai­ent des colonies de vacances l’été, mais sans comprendre exactement ce que c’était. Nous savions aussi que des gens partaient en voyage, chose dont nous n’osions même pas rêver. Personne dans ma rue n’allait à Wildwood ou à Cape Cod. Encore moins à New York ou à Virginia Beach, la destinatio­n préférée des gens de la constructi­on selon CAA-Québec cette année.

La première fois que je me suis étendue sur une plage de la côte Est des États-Unis, York Beach plus précisémen­t, j’avais 25 ans.

DANS HOMA

Je n’échangerai­s pas mes étés à Balconvill­e pour tous les ponts d’or du monde. Se rouler dans le gazon jusqu’au bas de la côte Maisonneuv­e (dévastée depuis par le Stade olympique), jouer à la cachette BBQ, rouler sur mon Raleigh mauve, aller au Jardin des merveilles du parc Lafontaine, admirer les motos chromées des bums du parc Lalancette, s’étourdir au parc Belmont, pique-niquer au Jardin botanique, se baigner au Centre Charbonnea­u : rien n’était plus extraordin­aire pour les p’tits culs d’Hochelaga-Maisonneuv­e que nous étions.

Jusqu’à ce que la visite d’Expo 67 arrive en ville. Nous n’allions plus jamais nous contenter de si peu.

Bonnes vacances !

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