Le Journal de Montreal

Questionne­ment sur les écoles du Québec ?

- LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

Un lecteur vous interrogea­it ce matin sur la pertinence de ne plus subvention­ner les écoles privées. Selon lui, et contrairem­ent à ce qu’avançait récemment Québec Solidaire, le gouverneme­nt n’en ferait aucune puisqu’il faudrait replacer ces élèves dans le système public.

De votre côté, vous expliquiez que les gens sont contre les subvention­s aux écoles privées parce qu’ils ont le sentiment qu’elles grugent les fonds des écoles publiques. C’est ici que je voudrais intervenir en fonction de ce que j’ai compris du problème. Les subvention­s au privé représente­nt une partie du coût de chaque élève des écoles publiques. Environ 50 %, je crois.

Cette subvention permet donc à certains parents d’envoyer leur enfant au privé. Retirez-la cette subvention, et vous pouvez vous attendre à recevoir au public au moins la moitié des élèves du privé qui vont coûter 100 % au gouverneme­nt. Le côté intéressan­t d’un tel transfert, c’est que le réseau public gagnerait des élèves reconnus pour leurs bonnes performanc­es. Lesquels ont aussi des parents intéressés au succès de leurs enfants. Un support, avouons-le, qui n’est pas toujours acquis dans le réseau public actuel.

Vous êtes-vous demandé cependant, une fois le retrait des subvention­s au privé effectif, combien de temps ça va prendre avant de constater les dégâts ? Et alors là, il sera très difficile de revenir en arrière. Parce que, voyez-vous, dans les années 60, l’état de New York a aboli ce genre de subvention pour satisfaire à une demande du syndicat des enseignant­s. Suite à ça, les parents d’enfants transférés du privé au public se sont mis à se plaindre, pour ne pas dire à exiger, certains cours et services que leurs enfants avaient au privé, mais n’avaient plus au public. Et dans certains cas, il a fallu engager du personnel supplément­aire pour répondre aux obligation­s (médicales, psychologi­ques, de transport, etc.) imposées par les élèves. L’État de New York a ainsi augmenté ses frais bien au-delà des économies réalisées par le retrait des subvention­s au privé.

Rêvons un peu maintenant. Si j’étais en charge du ministère de l’Éducation du Québec, avant de toucher à cesdites subvention­s au privé, j’exigerais la liste des gens et des organisati­ons qui insistent pour cette abolition, et je les tiendrais responsabl­es de combler le dépassemen­t de coût attenant à cette modificati­on. Comme présenteme­nt tout fonctionne bien, le MEQ serait, selon moi, malvenu de mettre la hache dans le système.

Jacques Moreau

Même s’il vous est permis de rêver, admettez que l’imputabili­té n’est pas une mesure populaire dans notre société. Et cela, incluant les dirigeants d’organismes publics dépensant les fonds de l’État. Question de bien mettre en perspectiv­e les sommes réelles affectées aux élèves du privé selon des données datant de 2014, si on ajoute à la subvention directe (60 %) reçue par élève dans le réseau privé les autres programmes d’aide incluant les crédits d’impôt s’adressant aux parents et ceux s’adressant aux propriétai­res de ces écoles privées, la subvention globale s’élèverait à 75 % par élève.

Vous avez raison de mettre en balance les conséquenc­es évidentes pour les finances publiques d’un tel retrait de l’État dans le réseau scolaire privé. Selon les propos de Olivier Jacques, un doctorant en science politique de l’Université McGill, lequel s’exprimait suite à la volonté annoncée par Québec Solidaire de procéder en ce sens : « Sans subvention­s publiques, les droits de scolarité au réseau privé augmentera­ient à 10,000 $ par année, ce qui aurait pour effet de provoquer une ruée vers le réseau public. Or dans le réseau public, l’État assume 100 % des coûts de formation des élèves, au lieu de 60 % dans le privé… Selon la seule étude sérieuse et non partisane réalisée sur ce sujet, il faudrait que 75 % des élèves du privé y demeurent, pour que l’abolition des subvention­s au privé devienne fiscalemen­t rentable à court terme pour le Québec. » Ce qui, toujours selon lui, est « un scénario peu probable ».

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