Un champion désabusé
Guillaume Belzile a vécu difficilement sa rencontre avec le dopage
VAL-D’OR | Le dopage qui a tant souillé le cyclisme détrône parfois de grands champions. Il peut aussi en dégoûter d’autres, ce que nous enseigne la vie de Guillaume Belzile.
Le cycliste originaire de Rimouski s’imaginait une carrière florissante en sortant de son année 1994 exceptionnelle.
Il venait de terminer quatrième au contre-la-montre individuel des championnats mondiaux juniors, une performance jamais améliorée depuis par un cycliste canadien, lorsqu’il est devenu le sixième Québécois de l’histoire à remporter le Tour de l’Abitibi, cette année-là.
RENCONTRE AVEC LE DOPAGE
Mais les belles images du métier de cycliste qu’il se projetait ont tourné au désenchantement à l’âge de 21 ans alors qu’il courait pour une équipe en France. De l’intérieur, il a rencontré le dopage.
« Si tu veux réussir, tu n’as d’autre choix que de te doper », lui a proposé un ami et coureur professionnel européen, qu’il ne veut pas identifier.
Le type en question faisait usage de produits dopants, tout comme un coéquipier d’une équipe professionnelle avec qui il co-chambrait et qui est devenu un grand nom de ce sport sans jamais se faire pincer.
Belzile avoue avoir pris de la cortisone, une substance considérée dopante et indétectable à cette époque, qui lui permettait de chasser de l’inflammation, mais qui a aussi eu comme effet que « j’avançais comme une fusée », se souvient-il.
Sa conscience héritée d’une bonne famille l’a cependant vite secoué.
« J’ai des défauts comme tout le monde, mais l’une de mes qualités, c’est que je ne suis pas un hypocrite. Il aurait fallu que je mente à mes parents, à mes amis et à tout mon entourage. Non, je ne pouvais plus. À partir de ce moment, le cyclisme est devenu mort pour moi. Ça m’a écoeuré », nous a raconté l’homme de 42 ans, hier, en marge du Tour des légendes organisé pour le 50e Tour de l’Abitibi.
DÉROUTE ET IDÉES SUICIDAIRES
Le phénomène du dopage dans le cyclisme s’est finalement étalé au grand jour au Tour de France de 1998, mais le mal était déjà fait depuis l’année précédente chez Guillaume Belzile. La désillusion avait ouvert un passage à vide dans sa vie. Il a abandonné le cégep, a vivoté avec de petits travaux comme emballeur dans une épicerie, s’est même isolé au point de nourrir des idées suicidaires.
« J’avais toujours vu des cyclistes comme mon père qui pratiquaient ce sport-là pour la santé et de façon naturelle. Je pensais que ça pouvait se faire à l’eau claire, mais c’est devenu un sport encrassé, et l’essence s’est diluée. Aujourd’hui, un jeune homme peut signer une belle victoire et l’avoir faite à l’eau claire, mais tout ce qui est arrivé crée toujours un doute. »
Depuis quinze ans, Belzile habite à Ripon dans l’Outaouais, où il fabrique des maisons en rondins. Il s’est aussi reconstruit une vie avec sa conjointe et quatre enfants. Sa présence à l’activité d’hier, parmi 106 ex-participants du Tour — dont la majorité, des têtes blanches — démontre qu’il s’est peut-être réconcilié avec son sport.
« Ce que j’ai vécu m’a enseigné à ne pas me décourager. Le bonheur se trouve d’abord en étant fier de soi-même... »