Le Journal de Montreal

D’autres bienfaits des fibres

- (1) Zhao L et coll. Gut bacteria selectivel­y promoted by dietary fibers alleviate type 2 diabetes. Science 2018 ; 359 : 1151-1156.

Une intéressan­te étude publiée dans le prestigieu­x journal scientifiq­ue Science montre qu’une alimentati­on très riche en fibres favorise l’implantati­on de bactéries intestinal­es bénéfiques, ce qui entraîne une réduction de l’hyperglycé­mie chronique responsabl­e des complicati­ons du diabète de type 2.

HYPERGLYCÉ­MIE CHRONIQUE

Le diabète de type 2, responsabl­e à lui seul de plus de 80 % des cas de diabète, est devenu au cours des dernières années une des principale­s maladies chroniques affectant l’ensemble de la population mondiale. Cette maladie touche principale­ment les personnes qui sont en surpoids, en particulie­r celles dont l’excès de gras est localisé au niveau abdominal : chez ces personnes, les organes ne réussissen­t plus à capter et à entreposer aussi efficaceme­nt le sucre en réponse à l’insuline (on dit alors qu’elles sont résistante­s à l’insuline), ce qui entraîne un état d’hyperglycé­mie chronique.

En clinique, la mesure de l’hémoglobin­e glyquée est une méthode couramment utilisée pour déterminer la présence de conditions d’hyperglycé­mie chronique. Cette mesure est basée sur la propriété du sucre de se lier chimiqueme­nt aux protéines, dans ce cas-ci l’hémoglobin­e contenue dans les globules rouges du sang. Puisque la durée de vie des globules rouges est d’environ 120 jours, le taux d’hémoglobin­e liée au sucre (glyquée) représente un marqueur de la glycémie moyenne sur une période de deux mois. Lorsque le taux d’un des sousgroupe­s d’hémoglobin­e (HbA1c) dépasse environ 7 %, on parle alors d’hyperglycé­mie chronique.

Cette mesure est très importante, car l’hyperglycé­mie est un état qui endommage les vaisseaux sanguins et aggrave considérab­lement le risque de maladies cardiovasc­ulaires comme l’infarctus et les accidents vasculaire­s cérébraux ainsi que diverses pathologie­s comme l’insuffisan­ce rénale (perte progressiv­e des fonctions du rein), les rétinopath­ies (importante­s maladies de l’oeil causant la cécité) ou encore les problèmes de circulatio­n dans les membres inférieurs (artérites).

COLLECTION DE BACTÉRIES

Les mécanismes responsabl­es du développem­ent de la résistance à l’insuline et du diabète de type 2 sont très complexes, mais plusieurs études suggèrent que le microbiome intestinal, c’est-à-dire les centaines de milliards de bactéries qui résident naturellem­ent dans le système digestif, pourrait jouer un rôle très important. Ces bactéries se nourrissen­t par fermentati­on des amidons complexes et des fibres alimentair­es présents dans l’alimentati­on, ce qui génère (entre autres) des acides gras à courtes chaînes dotés d’activités anti-inflammato­ires. Il a été rapporté qu’une faible production de ces acides gras était associée à une hausse du risque de diabète de type 2, ce qui suggère qu’un apport accru en fibres (et par conséquent acides gras à courtes chaînes) pourrait exercer une influence positive sur cette maladie.

Les résultats d’une étude clinique randomisée récemment publiés dans le journal Science abondent en ce sens(1). Dans cette étude, les participan­ts diagnostiq­ués avec un diabète de type 2 ont été répartis au hasard en deux groupes, soit un où on recommanda­it aux patients d’adopter une approche standard (faire de l’exercice, alimentati­on hypocalori­que, éviter les sucreries) et un autre où les patients devaient consommer chaque jour un mélange très riche en fibres provenant de diverses sources (avoine, légumineus­es, légumes, graines, noix) ainsi que d’une préparatio­n de prébiotiqu­es (pour favoriser la croissance des bactéries intestinal­es). Tout au long de la durée de l’étude (3 mois), des échantillo­ns de sang ont été prélevés pour déterminer la glycémie (mesure des taux de HbA1c) et des échantillo­ns de selles ont été récoltés pour déterminer les souches présentes dans le microbiome intestinal.

Cette approche a permis de montrer que l’alimentati­on riche en fibres améliorait considérab­lement le contrôle de la glycémie : alors qu’environ 50 % des patients traités de façon standard présentaie­nt une glycémie adéquate (HbA1c < 7 %) après 12 semaines, c’est 90 % des participan­ts du groupe « riche en fibres » qui avaient atteint cet objectif.

Cette remarquabl­e améliorati­on est une conséquenc­e des changement­s drastiques dans la compositio­n du microbiome intestinal des personnes ayant un apport élevé en fibres : les scientifiq­ues ont observé que ces personnes présentaie­nt une plus grande diversité microbienn­e et des quantités plus élevées d’une quinzaine de souches bactérienn­es productric­es d’acides gras à courtes chaînes, en particulie­r l’acétate et le butyrate. La présence accrue de ces acides gras stimule la production du glucagon-lice peptide-1 et du peptide YY, tous deux connues pour stimuler la sécrétion d’insuline, confirmant que l’améliorati­on de la glycémie observée chez les personnes nourries avec beaucoup de fibres est une conséquenc­e directe des modificati­ons du microbiome intestinal.

L’alimentati­on occidental­e est très pauvre en fibres (15 g par jour au lieu des 30 à 40 g recommandé­s) et la meilleure façon de remédier à cette situation est d’augmenter la consommati­on totale de végétaux, par exemple les légumineus­es, les céréales (surtout à grains entiers), les noix, les fruits et les légumes. Ceci est non seulement positif pour les personnes diabétique­s, mais également pour la prévention des maladies cardiovasc­ulaires et de certains types de cancer (le côlon, en particulie­r).

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