Une femme empoisonnée par du Drano au travail
Elle souhaite être reconnue comme invalide auprès du gouvernement
QUÉBEC | Une femme qui dit avoir été empoisonnée au Drano par une collègue de travail se bat afin de faire reconnaître son invalidité totale à l’IVAC.
En juin 2009, la préposée aux bénéficiaires et au ménage dans un CHSLD de Victoriaville, Jocelyne Bergeron, revenait de dîner avec des collègues lorsqu’elle a ingurgité une grosse gorgée de sa boisson Pepsi laissée à son poste de travail durant son absence.
Immédiatement, elle s’est sentie « brûler » de l’intérieur. « J’ai commencé à voir de gros points noirs. Je devenais aveugle », a souligné Mme Bergeron devant deux juges du Tribunal administratif du Québec. « J’étais pliée en deux, je pensais que j’allais mourir ».
Une collègue aurait mis du Drano dans sa bouteille de boisson gazeuse. Jamais les policiers n’ont pu prouver qui avait commis l’acte, mais l’Indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) a toujours reconnu que Mme Bergeron avait été victime d’un crime. OEsophage perforé et estomac brûlé : la dame a dû être transportée d’urgence à l’hôpital.
DÉPRESSION
À la suite de l’incident, Mme Bergeron a expliqué avoir sombré dans la paranoïa, la dépression, l’anxiété, l’alcoolisme, la consommation de médicament et la peur.
« Je ne fais plus confiance à personne », a relaté la dame durant un témoignage qui a duré plus de trois heures. « Je ne suis plus la Jocelyne que j’étais. » Elle était incapable de travailler à nouveau au CHSLD, ayant peur de tout le monde, principalement de la personne qu’elle croit responsable du geste.
Après une grave dépression suivie d’une tentative de suicide, la dame a été forcée de quitter l’emploi qu’elle occupait depuis 12 ans.
Mme Bergeron a expliqué qu’avant l’incident, elle était une personne joyeuse, rassembleuse et une femme travaillante qui avait confiance « naïvement » en tout le monde.
« La confiance s’est transformée en méfiance », a relaté la dame.
Malgré une deuxième tentative de suicide et son incapacité à se trouver un nouvel emploi, l’IVAC a décidé en 2015 de réduire son aide de façon radicale.
La procureure générale du Québec reconnaît que Mme Bergeron est une victime d’acte criminel, mais soutient qu’elle est aujourd’hui fonctionnelle et apte au travail (voir autre texte).
DIFFICILE RETOUR
Mme Bergeron assure avoir tout fait pour s’en sortir, en vain. Elle dit avoir consulté des professionnels de la santé, s’est inscrite aux programmes afin de réintégrer le marché du travail.
« J’ai frappé un mur », signale-t-elle. Chaque fois, les crises d’angoisse, les cauchemars et la paranoïa l’ont rattrapée, dit-elle.
Honteuse, elle admet être alcoolique depuis trois ans et prendre quotidiennement 16 consommations pour s’engourdir.
Représentée par le bureau de l’avocat Marc Bellemare, la victime réclame une compensation rétroactive et de l’aide à la hauteur de 90 % de son salaire de l’époque.
L’avocat Bruno Bellemare a plaidé que l’état psychologique de sa cliente causé par l’empoisonnement l’invalidait au travail.
« L’IVAC est allé trop vite. Elle aurait peutêtre dû attendre que Mme Bergeron réintègre réellement le marché du travail avant de lui retirer l’aide », croit-il.