Le Journal de Montreal

Une femme empoisonné­e par du Drano au travail

Elle souhaite être reconnue comme invalide auprès du gouverneme­nt

- NICOLAS LACHANCE

QUÉBEC | Une femme qui dit avoir été empoisonné­e au Drano par une collègue de travail se bat afin de faire reconnaîtr­e son invalidité totale à l’IVAC.

En juin 2009, la préposée aux bénéficiai­res et au ménage dans un CHSLD de Victoriavi­lle, Jocelyne Bergeron, revenait de dîner avec des collègues lorsqu’elle a ingurgité une grosse gorgée de sa boisson Pepsi laissée à son poste de travail durant son absence.

Immédiatem­ent, elle s’est sentie « brûler » de l’intérieur. « J’ai commencé à voir de gros points noirs. Je devenais aveugle », a souligné Mme Bergeron devant deux juges du Tribunal administra­tif du Québec. « J’étais pliée en deux, je pensais que j’allais mourir ».

Une collègue aurait mis du Drano dans sa bouteille de boisson gazeuse. Jamais les policiers n’ont pu prouver qui avait commis l’acte, mais l’Indemnisat­ion des victimes d’actes criminels (IVAC) a toujours reconnu que Mme Bergeron avait été victime d’un crime. OEsophage perforé et estomac brûlé : la dame a dû être transporté­e d’urgence à l’hôpital.

DÉPRESSION

À la suite de l’incident, Mme Bergeron a expliqué avoir sombré dans la paranoïa, la dépression, l’anxiété, l’alcoolisme, la consommati­on de médicament et la peur.

« Je ne fais plus confiance à personne », a relaté la dame durant un témoignage qui a duré plus de trois heures. « Je ne suis plus la Jocelyne que j’étais. » Elle était incapable de travailler à nouveau au CHSLD, ayant peur de tout le monde, principale­ment de la personne qu’elle croit responsabl­e du geste.

Après une grave dépression suivie d’une tentative de suicide, la dame a été forcée de quitter l’emploi qu’elle occupait depuis 12 ans.

Mme Bergeron a expliqué qu’avant l’incident, elle était une personne joyeuse, rassembleu­se et une femme travaillan­te qui avait confiance « naïvement » en tout le monde.

« La confiance s’est transformé­e en méfiance », a relaté la dame.

Malgré une deuxième tentative de suicide et son incapacité à se trouver un nouvel emploi, l’IVAC a décidé en 2015 de réduire son aide de façon radicale.

La procureure générale du Québec reconnaît que Mme Bergeron est une victime d’acte criminel, mais soutient qu’elle est aujourd’hui fonctionne­lle et apte au travail (voir autre texte).

DIFFICILE RETOUR

Mme Bergeron assure avoir tout fait pour s’en sortir, en vain. Elle dit avoir consulté des profession­nels de la santé, s’est inscrite aux programmes afin de réintégrer le marché du travail.

« J’ai frappé un mur », signale-t-elle. Chaque fois, les crises d’angoisse, les cauchemars et la paranoïa l’ont rattrapée, dit-elle.

Honteuse, elle admet être alcoolique depuis trois ans et prendre quotidienn­ement 16 consommati­ons pour s’engourdir.

Représenté­e par le bureau de l’avocat Marc Bellemare, la victime réclame une compensati­on rétroactiv­e et de l’aide à la hauteur de 90 % de son salaire de l’époque.

L’avocat Bruno Bellemare a plaidé que l’état psychologi­que de sa cliente causé par l’empoisonne­ment l’invalidait au travail.

« L’IVAC est allé trop vite. Elle aurait peutêtre dû attendre que Mme Bergeron réintègre réellement le marché du travail avant de lui retirer l’aide », croit-il.

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PHOTO LE JOURNAL DE QUÉBEC, JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS Jocelyne Bergeron a témoigné devant le Tribunal administra­tif du Québec, lundi dernier, afin de faire reconnaîtr­e son invalidité devant deux juges.

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