Le Journal de Montreal

Les élections vont-elles être un frein aux réformes juridiques ?

Un juge en chef associé craint qu’on tarde à améliorer l’efficacité des palais de justice

- KATHRYNE LAMONTAGNE

QUÉBEC | Les prochaines élections provincial­es ne doivent pas nuire au vent de changement qui souffle actuelleme­nt sur l’appareil judiciaire, prévient le juge en chef associé à la Cour supérieure.

Si l’issue du prochain scrutin provincial ne sera connue que le 1er octobre, une réalité demeure : un changement de garde s’opérera inévitable­ment à la Justice, la ministre Stéphanie Vallée ayant annoncé qu’elle tirait sa révérence.

« Le risque, c’est que tout soit au neutre pour une certaine période », s’inquiète le juge Robert Pidgeon.

Le magistrat martèle depuis des années l’importance de repenser le système afin de maximiser son efficacité. L’électrocho­c octroyé par l’arrêt Jordan, la mise sur pied de la Table Justice-Québec sur le changement de culture judiciaire et les 500 M$ annoncés en vue de moderniser le système de justice ont créé un momentum pour y parvenir, selon lui.

La situation demeure cependant fragile, rappelle-t-il.

« Il existe le momentum. Il ne faut pas le perdre. Si on le perd, il va être difficile à récupérer. Parce que les gens vont devenir blasés », estime le juge Pidgeon.

POURSUIVRE LE TRAVAIL

Au cours des derniers mois, « énormément de travail » a été abattu, soutient-il. Robert Pidgeon affirme avoir participé à des discussion­s enlevantes avec tous les acteurs du dossier.

« Il y avait une synergie lors de ces rencontres-là qui était extraordin­aire. Est-ce qu’on va être capable d’y revenir [après les élections] ? » se questionne-t-il.

Le prochain chef d’orchestre de la Justice aura un rôle à jouer dans l’équation, selon lui.

« Il peut y avoir un ou une ministre qui a la volonté de continuer et rapidement. Il faut ça », plaide-t-il. Au Ministère, on lui assure avoir confiance que le dossier suivra son cours.

« Mais ma petite expérience me dit : attendons », analyse-t-il avec prudence.

Bien qu’il se réjouisse des changement­s qui s’opèrent afin de bonifier l’accessibil­ité et l’efficacité du système, le juge Pidgeon garde la tête froide. Il n’existe pas de « remède miracle » pour y parvenir. À ses yeux, la théorie des petits pas prévaut encore et toujours.

« La culture est en train de changer tranquille­ment. Le problème avec la culture, c’est qu’on est là et qu’on placote, on fait des réunions. Moi, je ne suis pas un partisan de ça. Je suis un partisan de mettre en place des petites mesures et que le total fait en sorte que les tribunaux deviennent plus accessible­s », résume-t-il.

Il cite l’appel de rôles en matière civile, qui se fait désormais par téléphone et non plus en pleine salle de cours.

Ou alors l’instaurati­on depuis quelques mois des séances de conciliati­on judiciaire, qui permet de convoquer les parties tôt dans le processus, afin d’évaluer la possibilit­é d’un règlement sous la supervisio­n d’un juge.

« On règle entre 78 et 80 % des dossiers avec ça », se réjouit le juge Pidgeon, soulignant que cet exercice permet de faire économiser du temps et de l’argent au justiciabl­e.

« Il faut avoir une approche différente. Voir le processus judiciaire comme un moyen efficace que le citoyen obtienne justice à moindre coût et rapidement », termine-t-il.

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PHOTO D’ARCHIVES, SIMON CLARK Le juge en chef associé à la Cour supérieure Robert Pidgeon l’an dernier.

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