Le Journal de Montreal

Transforma­tion extrême

Malgré son corps de culturiste, Alexis Brien-Fontaine était mal dans sa peau

- ALEX DROUIN

SHERBROOKE | Alexis Brien-Fontaine avait un corps à faire rêver. Il était musclé, bronzé et remportait des concours de culturisme au Québec et au Canada. Mais malgré les prix et l’adulation de son entourage, il était malheureux et mal dans sa peau. Dans sa tête, il était une femme dans un corps d’homme.

« À 4 ans, je priais le Bon Dieu pour qu’il me pousse une paire de seins », se souvient celle qui a changé son prénom d’Alexis pour Alexie. Enfant, lorsque ses parents quittaient la maison, elle profitait de leur absence pour fouiller dans la trousse à maquillage de sa mère. Elle adorait se maquiller et se sentir femme. « Déjà à cet âge, je savais qu’il y avait quelque chose qui clochait », dit la femme de 32 ans. Pour tenter de cacher et de refouler ses envies d’être une femme, elle a fait comme les autres adolescent­s en s’intéressan­t aux filles. « J’ai éprouvé de l’amour intense pour mes copines, mais j’avais peu de désir sur le plan physique », se souvient-elle en mentionnan­t qu’elle n’avait pas une vie sexuelle très épanouie.

« Pour faire l’amour, je devais me transposer et m’imaginer que j’étais à leur place. C’était tellement exigeant que des fois ça ne fonctionna­it pas du tout », a-t-elle ajouté.

Aujourd’hui, elle dit être plutôt attirée vers les hommes.

UNE PREMIÈRE FOIS EN FEMME

Un soir de mars 2002, alors qu’elle avait 17 ans, elle a osé sortir de chez elle pour la première fois déguisée en femme avec des vêtements empruntés à sa mère. La balade dans les rues de Sherbrooke n’a duré que quelques minutes, à cause du froid. « C’était un sentiment incroyable de liberté », mentionne-t-elle avec émotion.

LE SPORT L’AIDE

Le sport a aidé Alexie à enfouir ses envies d’être une femme. D’abord le hockey, puis le culturisme qu’elle a pratiqué pendant 12 ans avant d’arrêter à l’âge de 30 ans.

Elle pouvait s’entraîner jusqu’à sept fois par semaine. Il n’était pas rare qu’elle poussait de la fonte malgré des muscles déchirés. Elle s’entraînait autant, car elle voulait refouler son désir d’être une femme.

« Je n’ai pas perdu un seul concours », dit-elle avec fierté en se remémorant sa carrière de culturiste.

À l’époque où elle était culturiste, Alexie travaillai­t comme kinésiolog­ue et kinésithér­apeute. Elle avait une bonne réputation dans son domaine à Sherbrooke alors qu’elle était reconnue en plus d’avoir une grande clientèle.

« J’avais une vie de rêve avec ma copine, ma maison et une shape que tout le monde

voulait avoir », raconte-t-elle.

ELLE N’EN PEUT PLUS

En apparence, elle semblait heureuse, mais en réalité, elle souffrait en silence.

Lorsqu’elle était seule à la maison, elle parcourait toute la documentat­ion qu’elle pouvait trouver sur les transsexue­lles en plus de lire plusieurs blogues sur le sujet.

« Ma vie était une cachette et je savais que quelque chose allait éclater », dit-elle.

N’étant plus capable de vivre en homme, elle s’est rendue à Montréal au début de 2016 afin de commencer l’hormonothé­rapie, c’est-à-dire la prise d’hormones, qui allaient lui permettre de se transforme­r en femme.

Sa copine de l’époque ignorait ses démarches. Alexie B. Fontaine avait prétexté se rendre dans la métropole pour d’autres raisons, car elle se sentait incapable de lui dire la vérité.

À l’automne 2016, les premières transforma­tions sont apparues. Ses seins se sont mis à pousser.

« Ça m’a apporté un profond bienêtre », dit-elle avec soulagemen­t.

Elle l’a annoncé à sa copine, qui est restée quelque temps avec elle.

« JE T’AIME MA FILLE »

Mme B. Fontaine a préféré attendre que ses premiers traits physiques féminins apparaisse­nt avant d’en parler à sa famille.

Lors des Fêtes de 2016, elle a invité ses parents à souper pour leur annoncer la nouvelle.

Plus tôt dans la journée, elle avait vu sa psychologu­e pour se donner du courage. Elle savait aussi qu’elle pouvait compter sur l’appui de sa copine lors du repas.

Quelques minutes avant le dessert, elle a révélé son secret à ses parents.

« Ils ont eu besoin de quelques minutes pour accepter la nouvelle et avant de partir mon père m’a serrée dans ses bras et m’a dit “Je t’aime ma fille” », murmure la femme dans la trentaine.

Elle n’est plus avec sa blonde de l’époque aujourd’hui, mais celle-ci a été aux côtés d’Alexie au début de sa transforma­tion avant de rompre quelques mois plus tard.

Un sujet sensible dont elle ne veut pas discuter plus longuement.

UNE LONGUE DÉPRESSION

Le début de l’année 2017 n’a pas été facile pour Mme B. Fontaine, malgré qu’elle se soit libérée du lourd secret qu’elle gardait et qu’elle ait fait un changement de carrière en commençant des études en soins infirmiers.

« Je n’avais plus le goût de rien », a fait savoir celle qui croit avoir fait une dépression non diagnostiq­uée pendant six mois.

Puisque sa transforma­tion physique n’était pas encore à son goût, elle a continué de s’habiller en garçon à son travail. Mais les soirs, elle se coiffait en femme et portait des vêtements féminins.

« Je ne m’assumais pas encore et j’avais trop de masse musculaire », a-telle dit sur cette période sombre de sa vie.

LA GRANDE OPÉRATION

Le 7 mai 2018 a été une date importante pour Alexie B. Fontaine. Elle a subi une vaginoplas­tie.

« C’était impensable pour moi de ne pas me faire opérer et je voulais avoir une transforma­tion complète pour devenir une femme », a-t-elle tranché.

L’opération a duré deux heures. Elle a passé trois jours à l’hôpital, puis cinq dans un centre de convalesce­nce.

« MA VIE ÉTAIT UNE CACHETTE ET JE SAVAIS QUE QUELQUE CHOSE ALLAIT ÉCLATER »

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à Sherbrooke.
Alexie B. Fontaine lors de sa rencontre avec à Sherbrooke.
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Alexie a pratiqué le culturisme pendant 12 ans avant sa transition.
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