LES DÉTENUS NOUS COÛTENT PLUS CHER QUE JAMAIS
Les frais pour incarcérer un contrevenant atteignent près de 95 000 $ par année
Un détenu dans une prison provinciale coûte en moyenne 259 $ par jour aux contribuables, une augmentation de 54 % depuis 10 ans.
En 2008-2009, chaque détenu coûtait 61 320 $ par an à l’État. Aujourd’hui, la facture s’élève à 94 535 $ pour garder un contrevenant derrière les barreaux pendant un an. Le ministère de la Sécurité publique attribue ce bond à la hausse du coût des loyers et la masse salariale.
« L’augmentation est énorme et c’est au ministère [de la Sécurité publique] de justifier aux contribuables québécois pourquoi ça en vaut la peine », réclame le porte-parole québécois de la Fédération canadienne des contribuables, Renaud Brossard.
Selon le ministère, le coût moyen de 259 $ par jour se divise ainsi : les salaires représentent 62 % du montant et les coûts de fonctionnement comblent le 38 % restant.
« En raison des nouveaux établissements de détention, le coût total des loyers […] a subi une augmentation en 2017-2018 totalisant près de 25 millions $ », explique le porte-parole du ministère Olivier Cantin par courriel.
Des nouvelles prisons ont été construites à Roberval et à Sept-Îles.
TÉLÉVISIONS PLASMA
D’ailleurs, l’équipement ultramoderne de la nouvelle prison de SeptÎles, qui a coûté près de 91 M$, avait fait sursauter l’an dernier. La Fédération canadienne des contribuables avait qualifié « d’aberration » les électroménagers haut de gamme en inox et les télévisions plasma.
Des documents rendus publics par le ministère montrent aussi une explosion des heures supplémentaires. En 2016-2017, plus de 500 000 heures supplémentaires ont coûté plus de 24 M$, c’est presque 10 M$ de plus qu’en 2008-2009.
Le salaire moyen d’un agent correctionnel est aujourd’hui de presque 62 000 $.
Toujours selon des documents du ministère, le budget des repas augmente, même si le nombre de repas diminue. Le coût moyen d’un repas est de 3,43 $.
MOINS DE DÉTENUS
Olivier Cantin soutient aussi que « la diminution de la population moyenne quotidienne dans les établissements de détention contribue également à l’augmentation des coûts moyens par jour par détenu ».
Il y avait l’an dernier environ 200 détenus de moins dans les prisons que l’année précédente.
« On a construit de nouveaux établissements correctionnels alors qu’on n’en avait sans doute pas besoin », déplore la professeure de l’Université Laval Isabelle Fortin-Dufour, spécialisée en réinsertion sociale des contrevenants.
« On a des prisons dans lesquelles on détient des gens pour de très courtes périodes de temps, à des coûts astronomiques, sachant pertinemment que c’est de l’argent jeté par les fenêtres », dénonce le criminologue Jean-Claude Bernheim.
S’il existe divers programmes de réhabilitation et de réinsertion sociale pour les détenus, peu de contrevenants en profitent.
« On n’a pas le temps, à l’intérieur de six mois, c’est impossible, ça tient du rêve de Cendrillon », dit Mme Fortin-Dufour.
Les peines dans les établissements québécois sont deux ans moins un jour ou plus courtes. Les peines plus longues sont purgées dans les pénitenciers fédéraux.
Pour les deux experts, la solution se trouve dans les peines purgées dans la collectivité, autant pour améliorer la réhabilitation des détenus que pour alléger le fardeau des contribuables.