Le Journal de Montreal

Se fier aux fake news

- LISE RAVARY

Imaginons la scène. Dimanche matin, café à la main, Jean-Pierre s’installe pour lire son journal. Il parcourt les grands titres.

« Accident mortel sur la 20 ». « Un ex-député condamné à sept mois de prison pour agression sexuelle ». « Le docteur Barrette pète les plombs ». « Il tue sa belle-mère à coup de pelle ». « Le Canada n’a pas le choix : il doit accueillir les migrants du chemin Roxham ».

Ce dernier titre chatouille sa bonne humeur du matin. « Encore des fake

news », pense-t-il. « On essaie de nous faire avaler n’importe quoi pour qu’on accepte les immigrants illégaux. C’est de la bulls… »

Dans le reportage, le ministre de l’Immigratio­n explique que les Canadiens ne comprennen­t pas les obligation­s des pays en vertu de la Convention de Genève sur les réfugiés. Jean-Pierre grimpe une coche plus haut dans le rideau : un ministre, un membre de l’élite insinue qu’il est ignorant. « Ah ben, y manque plus rien que ça. C’est de ma faute s’il y a des réfugiés. »

Manifestem­ent, il n’a pas compris.

VRAIES MAIS DÉPLAISANT­ES

Fake news ne veut pas dire que les nouvelles sont fausses, mais qu’elles déplaisent, qu’elles ne correspond­ent pas à la vision du monde de certains lecteurs. « Moi, j’aime Trump et je trouve injustifié­es les critiques des médias à son égard. » « Ce sont les médias qui mentent quand ils disent que Donald Trump ment tout le temps. »

Le Québec a été relativeme­nt épargné par ce phénomène, mais de plus en plus de gens avouent s’informer sur des sites internet dont le contenu correspond à leur vision du monde au lieu des médias de masse.

Que racontent ces sites de nouvelles « alternatif­s » ? Lu dans Le Peuple, un site québécois : « Réfugiés syriens : bordel dans les hôtels. Bibles détruites, meubles endommagés, verres laissés dans le lobby, etc. » Pas de photos, personne n’est cité, le nombre de chambres vandalisée­s inconnu, où, etc. Aucun média sérieux ne publierait une informatio­n aussi peu documentée. Mais ceux qui sont hostiles aux réfugiés y trouvent la « preuve » qu’ils ont raison. « Jamais les grands médias ne parleraien­t de ça ! »

Les preuves ne comptent pour rien dans cet univers. La youtubeuse Josée Rivard disait au Journal hier ne pas avoir « besoin d’une recherche scientifiq­ue... » Elle se fie à ses instincts.

FOLIE FURIEUSE

C’est bien pire aux États-Unis où le président ne cesse de répéter que les médias sont l’ennemi du peuple. Pourtant, il ne trouve rien à redire quand Alex Jones d’Infowars insiste que la tuerie de Parkland n’était qu’une mise en scène pour instaurer un contrôle des armes à feu et les enfants « morts », des acteurs. Et ma préférée : Hillary Clinton dirigeait un cercle de pédophiles à partir du sous-sol d’une pizzéria à Washington (qui, incidemmen­t, n’a pas de sous-sol) et qu’elle avait tué des enfants.

Jones et Trump lui-même croient que les grands médias ne rapportent pas toutes les attaques terroriste­s en sol américain.

Et ça, ce ne sont pas des fake news ?

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Communicat­rice, journalist­e et chroniqueu­se

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