Le Journal de Montreal

Je voudrais sauver mon amie

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J’ai une amie très chère qui a le malheur de partager sa vie depuis une vingtaine d’années avec un dépendant affectif qui a toujours besoin de savoir où elle est et ce qu’elle fait. Pour être bien certain qu’elle lui dit tout, il lui téléphone une dizaine de fois par jour.

Elle n’en peut plus de cette surveillan­ce constante. Et comme elle m’en parle fréquemmen­t, je lui répète à chaque occasion qu’elle doit le quitter avant d’être complèteme­nt étouffée dans la relation. Mais elle refuse de s’y résoudre, car selon elle, cet homme ne se remettrait pas d’un pareil abandon. Chaque fois qu’elle me dit cela, je lui oppose que ce n’est pas son problème à elle ce qui adviendra ensuite. Mais elle ne veut rien entendre de mes arguments.

Ce fameux conjoint est propriétai­re d’une petite résidence pour personnes âgées, et c’est à cet endroit même qu’ils vivent tous les deux. Quand le cuisinier de la résidence ne peut pas entrer travailler, c’est elle qui fait la cuisine pour tout le monde à sa place. Quand une des préposées fait faux bond, c’est encore elle qui la remplace. Or, quand elle fait ces remplaceme­nts, il ne la paie jamais pour son travail. L’argent de l’employé manquant va alors directemen­t dans ses poches à lui.

Mon amie a 78 ans, bientôt 79. Je vous jure Louise qu’elle n’a certaineme­nt plus la santé physique pour faire ce travail. Je crains en plus que sa santé mentale en prenne un coup si elle se maintient dans cette relation. Je pense qu’une thérapie lui ferait le plus grand bien pour faire le point et réaliser qu’elle doit au plus vite mettre fin à une relation aussi malsaine que celle qu’elle entretient avec cet homme. Mais je n’ose pas lui en parler, de peur d’essuyer un autre refus de sa part. Je crois que si ça venait de vous elle aurait plus de chances d’accepter.

Désespérée

Je ne vois pas en quoi mon avis pourrait peser dans la balance, mais je vais vous le donner quand même. Quand ça fait 20 ans que quelqu’un vit dans ce type de régime d’abus de pouvoir sans réagir, c’est que ça fait aussi son affaire. On parle ici d’une adulte plus que majeure qui a accepté son sort il y a longtemps. Certaineme­nt qu’une thérapie lui ferait voir que cet homme est un égoïste fini qui abuse d’elle et de sa générosité maladive. Mais elle constatera­it du même coup que sa propension personnell­e à accepter de se faire exploiter n’est pas plus normale. Et il lui faudrait certaineme­nt remonter loin pour en connaître l’origine. Pensez-vous sérieuseme­nt qu’elle aurait le courage de changer le cours des choses ? Je crois qu’à moins de tomber au combat pour cause de maladie, cette femme ne changera rien à sa vie. Restez près d’elle pour la soutenir en cas de besoin, mais cessez d’espérer l’impossible, car vous prenez un grand risque d’être déçue.

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