Le Journal de Montreal

Quand on se vide le coeur

- LOUISE DESCHÂTELE­TS louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

La semaine dernière c’était la fête des Mères. Pour la première fois, je n’ai pas appelé la mienne. Je me suis sentie triste. Pour tout vous dire, ma mère est atteinte de la maladie d’Alzheimer depuis environ sept ans. Le diagnostic est tombé alors qu’elle était à peine âgée de 59 ans. Aujourd’hui elle ne parle presque plus et n’a certaineme­nt pas conscience de ce qui se passe autour.

Mais j’ai longuement réfléchi, avec une boule d’une grosseur pas possible ancrée dans le ventre, au fait que ma mère n’est plus comme avant et que ça me ferait plus de peine de l’appeler que de ne pas l’appeler. Certaines dates dans l’année, comme la fête des Mères, décuplent ma peine de la voir dans l’état où elle est depuis que la maladie s’est installée dans sa vie.

Je ne peux pas nier que je passe encore avec elle des moments formidable­s et joyeux. Chaque fois que ça arrive, j’essaie d’en profiter au maximum. Parfois aussi j’ai mes faiblesses personnell­es pendant lesquelles je laisse couler mes larmes, quand les souvenirs d’elle avant la maladie ressurgiss­ent dans ma mémoire.

Je me consacre désormais à mon entreprise, les Éditions Melba, où je crée des outils pour divertir et stimuler cognitivem­ent les personnes atteintes par cette maladie. Mais dans ma tête, on dirait que je n’en fais jamais assez. Que rien n’est suffisant malgré mes livres « Antirides pour les neurones » qui permettent de mettre du soleil dans la vie des personnes atteintes et ça me fait un peu de bien.

Mais j’aimerais tant que ma mère revienne comme avant et qu’elle me donne des conseils comme elle avait l’habitude de le faire autrefois, qu’elle me donne des recettes, des bisous dans la nuque, qu’on danse et qu’on chante à tue-tête sur les airs des Beatles. Elle me manque tellement! Merci de m’avoir permis de dire tout ça!

Marie-Pier Vaudry, 35 ans

Merci à vous d’avoir partagé votre peine en même temps que de nous permettre de connaître votre oeuvre, louangée sur internet par des proches aidants. Je comprends votre peine, car les accompagna­nts des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer doivent apprendre à accepter le départ de leur proche bien avant leur vrai grand départ.

La meilleure façon d’apprivoise­r cela c’est d’accepter que rien ne sera plus jamais comme avant. Vous n’avez pas appelé votre mère aujourd’hui et l’important est que ça ne vous ait pas fait plus de mal que de bien. Dites-vous aussi, même si sur le coup c’est difficile à intégrer, que vous n’auriez probableme­nt jamais créé votre maison d’édition si votre mère n’avait pas été frappée par la maladie. Mes meilleurs voeux pour la suite.

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