Ils veulent se débarrasser du dernier club privé
À la veille de la campagne électorale, une MRC du Bas-Saint-Laurent veut être libérée de l’emprise du dernier club exclusif de chasse et pêche, qui fait régner une « aura de peur » sur son territoire depuis plus de 100 ans.
Le préfet de la municipalité régionale de comté (MRC) Les Basques, Bertin Denis, demande l’expropriation du Club Appalaches, qui détient l’exclusivité des droits de chasse et pêche sur un territoire public d’environ 150 kilomètres carrés, à l’est de Rivière-du-Loup.
« On veut demander au gouvernement du Québec, au ministère des Ressources naturelles, de procéder à une expropriation pour que les droits de chasse et pêche reviennent au bien foncier. »
Selon M. Denis, la MRC veut profiter de la prochaine campagne électorale pour obtenir des engagements en faveur d’un projet de parc régional.
Il espère que les candidats, parmi lesquels se trouve le ministre libéral Jean D’Amour, comprendront qu’il appartient au gouvernement québécois de libérer la région de l’emprise du Club Appalaches.
« Celui qui a donné le privilège, qui a cautionné la transaction, c’est le gouvernement du Québec », dit-il.
En 2001, le ministre de la Faune d’alors, Guy Chevrette, avait déjà refusé une première fois une demande d’expropriation de la MRC.
DERNIER CLUB PRIVÉ
Selon la Fédération des pourvoiries du Québec, le Club Appalaches a échappé à l’abolition des clubs privés décrétée par le gouvernement il y a 40 ans. « À notre connaissance, il s’agit du seul club privé qui n’a pas suivi le mouvement de “déclubage” », indique la porte-parole Vicki Boivin. Le ministère de la Faune affirme que, même s’il existe d’autres clubs privés au Québec, le Club Appalaches est « le seul à détenir des droits exclusifs de chasse et de pêche sur des terres publiques ».
« DISCORDE »
La Cour d’appel a reconnu il y a près de 20 ans que la population peut circuler sur le territoire du Club Appalaches, sans toutefois chasser ou pêcher.
Le tribunal admettait lui-même que sa décision contenait « des germes de discorde dont la solution globale n’est sûrement pas judiciaire ».
Selon le préfet Denis, la population continue d’ailleurs de sentir qu’elle n’est pas la bienvenue dans ce secteur.
« Ils [dirigeants du club] ont toujours continué à engager des gardiens qui font peur au monde de façon à entretenir l’aura de peur autour du territoire », soutient-il.
M. Denis affirme que la MRC n’a pas les moyens d’exproprier le club dans le but de créer un parc régional sur ce territoire public.
« Notre argent, on se l’est fait voler depuis qu’on s’est fait retirer l’usufruit de ce territoire », dit-il.
D’après M. Denis, la MRC ne reçoit que 10 000 $ par année en taxes foncières du club, où des chalets sont construits.
50 MILLIONS $
Le président du Club Appalaches, Denis Lepage, a soutenu en entrevue que les actifs de l’organisation sont évalués à plus de 50 millions $.
M. Lepage n’a pas voulu donner plus de précisions, notamment sur le nombre de ses membres ou sur le coût d’adhésion.
Il a également refusé de dire si le club reçoit des redevances d’un projet éolien local.
« Ce n’est pas de l’ordre public, cette information », a-t-il dit à propos de l’entente conclue avec les promoteurs, dont la MRC fait partie.
Les administrateurs du club doivent décider, le 18 août, si des réponses seront données à nos questions, a indiqué M. Lepage.