Le Journal de Montreal

Redécouvri­r la question constituti­onnelle

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ e Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote

C’est entendu, les Québécois demeureron­t pour un temps encore dans le Canada.

On peut continuer à se battre pour l’indépendan­ce tout en sachant que la victoire ne viendra pas à court terme. Mais constater l’embourbeme­nt actuel ne veut pas dire pour autant que le Canada fonctionne bien d’un point de vue québécois, comme l’oublie trop souvent François Legault.

QUÉBEC

Il nous faudra pour cela redécouvri­r la question constituti­onnelle. Au Québec, on a l’habitude de croire que la constituti­on est un bout de papier sans importance auquel il ne faudrait plus penser pour se consacrer aux vraies affaires. À tort.

Au Canada anglais, toutefois, la constituti­on est vue comme un texte sacré qu’on devrait vénérer d’autant qu’on trouve en son coeur la Charte des droits et libertés. On sait son importance.

Une constituti­on structure les rapports de pouvoir au sein d’un État. Et dans notre cas, elle délimite l’espace dont dispose le Québec pour faire ses propres choix avec son Assemblée nationale. En gros, c’est la constituti­on qui décide ce que nous avons le droit ou non de faire comme peuple. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle est très contraigna­nte. Mais nous nous sommes habitués à ses contrainte­s et nous ne les voyons plus.

Les Québécois ont beaucoup parlé ces dernières années de laïcité et d’accommodem­ents raisonnabl­es. Mais ce qu’on oublie, c’est que les Québécois peuvent bien dire ce qu’ils veulent et prendre les décisions qu’ils souhaitent, les tribunaux canadiens les invalidero­nt très rapidement, justement au nom de la constituti­on.

De même, nous croyons que la langue française est bien défendue. En place depuis 1977, la loi 101 nous a sécurisés psychologi­quement. Mais on a étrangemen­t oublié qu’elle a été déconstrui­te morceau par morceau par les tribunaux canadiens, encore une fois au nom de la constituti­on. Il faudra lui redonner du tonus.

Mais les Québécois ne sont pas libres de décider des politiques nécessaire­s à leur survie linguistiq­ue. Ils doivent se soumettre à des règles extérieure­s qu’ils n’ont pas décidées.

On le sait, à moins qu’on ne l’ait oublié : le Québec n’a pas signé la constituti­on canadienne. Elle nous a été imposée de force en 1982. Certains diront : 1982, c’est très loin. Pourquoi se soucier du passé ? La réponse est simple : parce que cette constituti­on pèse toujours sur nous, et plus les années passent, plus ses effets sont puissants. Elle liquide ce qui reste du vieux Canada des deux nations et radicalise l’applicatio­n du multicultu­ralisme.

1982

Longtemps, les nationalis­tes se disaient : pas besoin de s’en préoccuper, une fois l’indépendan­ce faite, la constituti­on ne pèsera plus sur nous. Les temps ont changé. Nous sommes pris dans un pays qui nous est hostile, qui nous traite comme un groupe ethnique parmi d’autres et qui voit dans notre langue un résidu folkloriqu­e insignifia­nt.

Un jour, nous ferons la souveraine­té. D’ici là, nous devrons défier la constituti­on qui nous étouffe. Mais pour cela, il faut d’abord en reconnaîtr­e l’importance. Pour confronter une tutelle, il faut la nommer.

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« La constituti­on délimite l’espace dont dispose le Québec pour faire ses propres choix. »
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