Le Journal de Montreal

Des pharmacien­s veulent damer le pion à Amazon

Ils misent surtout sur la technologi­e et des frais plus bas pour attirer la clientèle

- PHILIPPE ORFALI

Alors que Jean Coutu et Pharmaprix tardent à prendre le virage tout internet, des pharmacien­s indépendan­ts tiennent boutique sur le web uniquement, espérant s’accaparer de précieuses parts de marché pour devenir l’« Amazon » pharmaceut­ique.

Chez POSO+, rue Ontario Est dans le quartier centre-sud de Montréal, pas de chips ni de pizzas congelées à vendre. Qu’un grand comptoir, quelques médicament­s de marques bien connues et une salle de laboratoir­e où sont stockés des centaines de produits vendus sur ordonnance.

La salle d’attente n’est jamais achalandée, car c’est surtout par le biais d’internet, d’une applicatio­n mobile et du téléphone que le pharmacien propriétai­re Martin Gilbert s’entretient avec sa clientèle.

MOINS CHER

Plutôt que d’offrir un nombre sans cesse grandissan­t de produits de beauté ou des fruits et légumes, c’est sur la technologi­e et des frais plus bas que misent les pharmacien­s comme M. Gilbert.

« Je voulais rendre ça simple pour mes patients. Plus besoin d’attendre en magasin que l’ordonnance soit remplie, plus besoin de faire des pieds et des mains pour communique­r avec le pharmacien. On a des suivis systématiq­ues, une interface en ligne facile à utiliser. Et comme mon magasin ne fait pas 8000 pi2 en plein centre-ville, je suis en mesure d’économiser », explique le profession­nel de la santé, également un ex-athlète olympique.

POSO+ a ouvert ses portes en novembre dernier. À ce jour, elle aurait recruté de 600 à 800 patients, dont la grande majorité fait affaire avec elle par internet. Elle n’est pas la première à avoir « pignon sur rue » sur le web d’abord.

LÉGAL MAIS COMPLEXE

L’Ordre des pharmacien­s du Québec (OPQ) suit cette situation de près. « Que la pharmacie soit virtuelle ou physique, s’ils remplissen­t nos exigences envers les pharmacien­s, ça va. Peu importe sa formule, le pharmacien n’est pas dispensé de son devoir de conseil, et de s’assurer que le médicament fait le travail », note Manon Lambert, directrice générale de l’OPQ.

Pourquoi de grandes enseignes comme Jean Coutu ou Pharmaprix ne leur emboîtent-elles pas le pas? Les deux marques précisent qu’elles offrent déjà le renouvelle­ment en ligne. Il faut toutefois se présenter en pharmacie pour remplir une nouvelle ordonnance.

« L’ordonnance doit être (remise) en main propre (au) pharmacien, ou il doit la recevoir directemen­t du médecin, par télécopieu­r ou par téléphone. La loi au Québec exige l’une ou l’autre de ces méthodes de communicat­ion », affirme Marie-Claude Bacon, porte-parole de Metro, à qui appartient maintenant le Groupe Jean Coutu.

POSO+ et d’autres pharmacies en ligne contournen­t cette exigence en demandant aux patients d’envoyer une version électroniq­ue de l’ordonnance en se connectant à leur dossier personnel. Mais l’original de l’ordonnance, signé par le médecin, doit tout de même être envoyé par la poste.

AMAZON GAGNE DU TERRAIN

L’annonce en juin dernier de l’acquisitio­n par le géant du détail Amazon de la pharmacie d’ordonnance PillPack, aux États-Unis, a pris de court de nombreux observateu­rs. Les grandes chaînes de pharmacies américaine­s avaient perdu jusqu’à 11 % de leur valeur en bourse le lendemain.

Mme Lambert se fait toutefois rassurante. « Si Amazon vient au Québec, il va devoir se plier aux conditions du Québec. Pour exploiter une pharmacie ici, il faut être pharmacien. Il va devoir faire des partenaria­ts avec des pharmacien­s du Québec et respecter des standards de pratiques de l’Ordre », dit-elle.

« On a eu Uber, on leur a imposé des règles pour assurer la protection du public. Si (Amazon) veut venir au Québec, il va lui falloir s’assujettir à des règles encore plus importante­s (que pour Uber). »

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PHOTO PHILIPPE ORFALI L’ex-Olympien Martin Gilbert, pharmacien et propriétai­re de la pharmacie POSO+, dont les services en ligne comptent maintenant de 600 à 800 clients à l’échelle du Québec.

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