Ottawa joue à la cachette avec ses dépenses
Les détails de l’attribution des millions $ du Budget 2018 pour la culture sont caviardés
OTTAWA | Le fédéral cache les détails sur l’attribution de centaines de millions de dollars du Budget 2018 pour des programmes culturels, comme le plan pour les langues officielles et une enveloppe de 50 M$ en soutien au journalisme local.
En réponse à une demande d’accès à l’information de l’Agence QMI, Patrimoine canadien a fourni une note de service lourdement caviardée. La majorité des 25 pages du document Mise en oeuvre du Budget 2018 sont noircies, laissant presque uniquement les titres et intertitres lisibles.
Plusieurs experts consultés tour à tour y ont vu un exemple de plus que le fédéral utilise la Loi sur l’accès à l’information pour contrôler son message.
APPAREIL DE PROPAGANDE
« La majorité de l’information qui est censurée, dans ce cas en particulier, semble être la conséquence de l’appareil de propagande du gouvernement, note l’expert en droit à l’information Sean Holman. Le gouvernement veut pouvoir annoncer des choses quand il le veut, sans tenir compte du moment où le public veut connaître les détails et quand ils seront présentés. Ça me semble une façon très étroite de concevoir l’accès à l’information. »
Le vice-président de l’association des Journalistes canadiens pour la liberté d’expression, Tom Henheffer, abonde dans le même sens et voit ici une démonstration que le système d’accès à l’information est « profondément défectueux ».
« Négligée intentionnellement » depuis trop longtemps, la loi canadienne, qui est selon lui pire qu’en Russie, ne sert plus sa raison d’être démocratique. « Essentiellement, si le gouvernement veut cacher une quelconque information, il le peut. »
UN ARTICLE « NOCIF »
Un des articles de loi invoqué pour caviarder le document obtenu par l’Agence QMI, le 69, est « particulièrement nocif », souligne le professeur associé en journalisme à l’Université King’s College, Fred Vallence-Jones.
L’article 69 empêche la divulgation des « confidences du Cabinet », c’est-à-dire des délibérations entre ministres pour la prise de décisions. Une fois appliqué, cet article a peu de chance d’être contesté avec succès pour forcer une institution à rendre des documents publics, selon M. Vallence-Jones.
« On essaie toujours de donner le plus d’information possible, répond de son côté le directeur adjoint de l’accès à l’information chez Patrimoine canadien, Mathieu Labine. Dans cette demande-ci, on n’avait pas d’autre choix que de caviarder autant, puisqu’il y avait beaucoup de confidences du Cabinet, ce qui est vraiment une exclusion de la loi. »