Le Journal de Montreal

Bob Hartley forcé de déménager

La chronique de Réjean Tremblay

- RÉJEAN TREMBLAY rejean. tremblay@ quebecorme­dia.com

Sacré Bob Hartley ! Cet homme est increvable. Samedi, il répond au téléphone en début de soirée, heure de Russie. Voix basse presque chuchotant­e.

– Ça va Bob, je te dérange ? « Non… je suis dans l’autobus avec mes joueurs. Je les amène visiter le site où s’est écrasé l’avion du Lokomotiv de Iaroslavl dans la région de Moscou. Je veux qu’ils sachent que dans la vie, on est tous chanceux de faire ce qu’on aime… »

C’était pas le moment de jaser trop longtemps. Je lui ai demandé comment était la ville d’Omsk. Aussi jolie que les photos et les vidéos dénichées sur Google ?

C’est quand même à trois ou quatre heures d’avion de Moscou. Pas loin du Kazakhstan, ça doit être spécial comme région.

« C’était magique. On vivait dans une belle maison sur le bord d’une rivière. Mais on ne pourra pas jouer à Omsk, l’équipe est déménagée en banlieue de Moscou. On a quitté vendredi, le monde pleurait comme au départ des Nordiques… »

Sacré Bob ! Et il s’en allait visiter le site d’un épouvantab­le crash d’avion pour regrouper ses hommes. Alors que tout le monde venait de quitter sa ville, son appartemen­t, sa maison, ses amis pour déménager à Moscou !

L’équivalent d’un déménageme­nt Montréal… Saskatoon.

– Je ne veux pas te déranger avec tes gars, je te rappelle.

DANS UN ASCENSEUR DE MOSCOU

Hier matin, coup de téléphone. Bob et madame étaient dans le lobby d’un immeuble à logements à Moscou. C’était journée de visite pour se recaser dans l’immense Moscou. Bob était de bonne humeur. Sa bande d’exilés avait gagné 4 à 0 la veille contre le Lokomotiv.

Et puis, il retrouvait David Desharnais, Maxim Talbot et Alexeï Emelin. Des hommes qu’il connaît bien, qu’il respecte et apprécie.

« Le président [de l’équipe] me fait confiance. Pour un coach, c’est important », de dire Hartley. – Donc, comment ça se passe l’exil ? « C’est toute une aventure. Ça faisait plus d’un mois qu’on était installés à Omsk. Tout était parfait. On adorait la ville et les gens nous faisaient des gestes aimables dans la rue. À Omsk, les fans sont fous de leur équipe.

« Tout allait bien. Les propriétai­res, Gazprom, rénovaient leur aréna. On avait des vestiaires neufs, tout était propre, on avait modernisé le restaurant où les joueurs déjeunent, lunchent et soupent. Je préparais notre saison avec le président de l’équipe, Maxim Sushinsky, et on était heureux », de raconter Hartley avant de s’engouffrer dans un ascenseur.

Vers le 20 juillet, Hartley est revenu pour une semaine en Pennsylvan­ie pour participer à son école de hockey : plus de 400 jeunes venant du Canada, des États-Unis, de Lettonie ou d’autres pays d’Europe. Bob tenait à respecter ses engagement­s. C’est là que le drame a frappé.

L’ARÉNA CONTAMINÉ

En faisant les travaux de rénovation, les entreprene­urs ont découvert des foyers importants de contaminat­ion. Tellement qu’on ne sait pas encore si on pourra rénover l’aréna. Sinon, Gazprom s’est engagée auprès de la population à en construire un flambant neuf. Mais l’Avangard sera en exil pour au moins deux ans, peut-être plus.

« Jeudi soir, l’équipe a offert un concert et des feux d’artifice à ses partisans. Ils étaient sept ou huit mille dans le grand parc de la ville. Nous leur avons présenté leurs joueurs et promis qu’on reviendrai­t. D’ailleurs, nous allons garder le nom d’Avangard d’Omsk. La dame qui s’occupait du restaurant des joueurs depuis 22 ans pleurait à chaudes larmes. J’étais tout à l’envers. Quand les Nordiques ont quitté Québec, ça m’a fait de quoi puisque je faisais partie de l’organisati­on. Mais j’étais à Cornwall, ça me touchait moins. À Omsk, ça m’a serré le coeur », de raconter Hartley.

J’ai laissé le couple Hartley visiter son appartemen­t. Dans la vie, y a pas juste les journalist­es…

LA 15 ET LA 40, DE LA PETITE BIÈRE

Plus tard, redingding à Bob. Question de valider quelques points et de s’informer pour des photos. La routine. Sauf que la routine est à Moscou et qu’avec le décalage horaire, t’espères juste ne pas réveiller ton monde.

« Tu me réveilles pas du tout. On revient à l’hôtel. On a réglé notre appartemen­t et ça va aller. On est encore dans l’auto. On vient de faire connaissan­ce avec le trafic de Moscou », de dire Hartley. Un silence. « Tu peux dire aux gens de Montréal que la 15 pis la 40… ben, c’est de la petite bière. »

Promis, on va essayer de s’en souvenir la prochaine fois qu’on va avoir le goût d’arracher les dents de la mairesse…

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada